vendredi 20 décembre 2019

TRANCHES DE VIE

PHOTOS DE Ce que j'étais, ce que je suis et grâce à qui ....
Après qq jours à l'hôpital liés au stress occasionné par cette satanée bande de brigands, récidive de maladie liée aux problèmes occasionnés par ces "tigres", je me suis dit en cette heure très matinale, que mon histoire valait le coup d'être narrée.
Enfant attendue et gâtée par des parents adorés et adorables, dans un pays de rêve, le Maroc, avec certes une soeur plus âgée et handicapée, j'ai été une enfant jolie,…
Lire la suite

samedi 14 décembre 2019

Toujours un grand plaisir de lire une si bonne critique !

Disponible sur Amazon.fr
et sur Librinova (Héloïse Shaylah )
Bonne lecture...
Une douce lecture pour la fin d'année...




- Le bonheur quand il est là
- Dominique Vietti-Letoille
- Auto-édition
- 140 pages

- Récit, amour

L’avis de Lynda :
J’ai toujours un peu de difficulté avec les petits livres, je me dis toujours qu’il va manquer quelque chose, et bien non, avec celui-ci du moins, il était parfait.
Un petit coup de coeur pour cette lecture, qui se fait très rapidement. Émouvante et captivante de la première à la dernière ligne de ce livre.
Jihane est attachante, et dès le départ on adore cette petite fille et on la suit avec grand plaisir.
Et que dire de Soraya, elle aussi a carrément accroché mon coeur.
Bref, une belle petite lecture, presqu’un coup de coeur pour moi!


Résumé :

Comment Jihane, la petite bonne au service d'une riche famille marocaine, va-t-elle réussir à s'imposer comme indispensable? C'est le récit de la vie d'une petite fille, vendue comme domestique, qui saura s'affranchir des tabous, qui connaîtra l'amour, qui deviendra une mère de substitution pour Soraya, atteinte du syndrome de Down, et s'épanouira comme une femme volontaire, intelligente, déterminée. Son chemin n'est pas facile, mais à force d'amour et de persévérance, elle réussira sa vie, malgré des déceptions nombreuses, des hésitations, mais avec une volonté déterminée. Une chute d'histoire surprenante, mais sans appel!

vendredi 29 novembre 2019

Le bonheur quand il est là !

A lire, partager, offrir...
Pour un peu de douceur dont on a bien besoin en ces temps perturbés et frais ...

Bonne lecture !

https://www.librinova.com/librairie/heloise-shaylah/le-bonheur-quand-il-est-la-1


mardi 26 novembre 2019

À paraître bientôt !

BIENTÔT DISPONIBLE  chez

EVIDENCE ÉDITIONS

Nouveau look, nouvelle couverture, revu et corrigé

N'hésitez pas pour les fêtes, pour lire, voyager, se dépayser ....





dimanche 24 novembre 2019

J'ai été une femme battue !

Il m'aura fallu plus de trente ans pour en faire la déclaration publique !
C'est difficile psychologiquement et moralement .
Il faut surmonter la honte, la peur, violer son intimité.
C'est l'actualité concernant les féminicides qui m'a fait sauter le pas avec beaucoup de difficultés.
Une situation pas facile à reconnaître, des humiliations, des insultes, des coups, des menaces qui restent ancrés et qui, malgré les années, ne s'effacent pas.
Mais c'est un modeste témoignage que je veux apporter malgré l'envie de ne rien dire, de cacher une situation humiliante.
Si cela peut permettre à une seule femme de ne pas supporter une situation semblable, j'aurais gagné... contre moi et contre la société.
Pour clamer aussi que c'est dans tous les milieux, même les plus diplômés ( on le cache encore davantage, la honte est plus grande) et qu'il faut refuser, partir...
Il est certainement (je l'espère) plus facile actuellement d'avouer et de porter plainte.
Il y a trente ans, c'était plus compliqué: aller à la gendarmerie pour dire que son époux, un cadre haut placé de la centrale nucléaire voisine, vous a frappée, humiliée, menacée, était compliqué et non recevable.
Savoir que les voisins (et collègues) ont entendu les cris et les coups, mais sont restés tapis chez eux et surtout ne témoigneront pas.
Recevoir des coups alors qu'on est enceinte.
Se retrouver dehors au milieu de la nuit avec ses deux jeunes enfants. J'avais pris l'habitude d'avoir un sac avec quelques vêtements.
Vivre dans la peur, peur de l'autre, de ses menaces, comme projeter la voiture contre un arbre.
Vivre dans l'humiliation, s'entendre dire constamment qu'on est un loser, que vous acheter une voiture neuve, c'est donner de la confiture à un cochon, par exemple! Une expression qui peut paraître puérile mais qui me poursuit.
Trente ans après, j'entends toujours ces phrases qui m'ont détruite.
Un jour, où il avait tout cassé dans la maison, il a fait venir un médecin à qui il a dit qu'il fallait m'enfermer. Ce dernier lui a répondu que, s'il y avait quelqu'un à enfermer, c'était lui ! Mais pas plus, c'est resté là !  .
Mes chiens m'ont défendue, plusieurs fois.
C'est certainement la raison pour laquelle j'ai des gros chiens, non en fait des chiennes. Quand j'y pense, ce n'est pas un hasard d'avoir délibérément choisi des femelles. Elles m'ont sauvée plusieurs fois car il en avait peur. Mes dogues constituent une protection.
Comment oublier les nuits réveillée car il m'empêchait de dormir, les visites impromptues au lycée où j'enseignais, les essuie-glace arrachés pour m'empêcher d'aller travailler, ma planche de salut, les clés de voiture jetées par la fenêtre ...
Une démolition psychologique dont on ne se remet jamais complètement, mais dont on a honte aussi.
J'ai eu de la chance finalement d'avoir des gens qui m'ont aidée, mais la peur, la mauvaise image de moi sont toujours là.
Ne pas laisser voir, ne pas en parler,  dans la société, au travail, tout cacher parce qu'on a honte, parce qu'on a peur.
Se sentir presque coupable ! Chercher des excuses et toujours avoir peur, avoir honte !
Se sentir diminuée, se sentir inférieure, se remettre en doute, c'est le lot quotidien.
Dépressions, maladies, mal-être ! On n'en sort pas indemne.
Panser ses blessures n'est pas facile.
Alors, présenter une face forte, aimable, m'a-t-il aidée ?
Je ne sais pas, mais les plaies, peut-être moins béantes maintenant, restent profondément gravées.
Fuir, fuir dès les premiers signes de violence, d'humiliation. Ne pas croire qu'on peut changer les gens. Ne pas chercher des raisons dans leur passé, leur famille.
Partir, ne pas pardonner, ne pas croire à leurs simagrées !
Il n'y a pas d'excuses, ni culturelles, ni familiales.
Leur seul objectif est de détruire l'autre dont ils ne supportent pas l'existence.
La destruction physique et psychologique de l'autre est jouissive chez eux.
Se reconstruire est difficile.
J'ai mis trente ans pour en parler publiquement, pour l'écrire, ce que je n'ai jamais osé faire !
Courage ? Je ne sais pas .
Sans doute, est-ce pour cela que j'aime autant les animaux !
Un refuge, tout comme l'écriture, la lecture, l'isolement, la recherche spirituelle.
J'en suis ressortie humiliée, cassée, blessée, méfiante, sous une carapace vernissée, souriante, pessimiste.
Défendez-vous !
Je publie avant de tout effacer.


samedi 23 novembre 2019

BONJOUR À TOUS !

Voici longtemps que je n'ai rien publié. Merci à ceux qui continuent à fréquenter le blog.

De nombreux problèmes m'ont tenue éloignée, santé, accidents et conflit, dont je vous reparlerai.

Dans les news, deux de mes romans ont retenu l'attention d'une maison d'édition et vont paraître prochainement dans leur catalogue !

https://www.evidence-editions.com/

Très bientôt :

 Un été criminel

Et un peu plus tard :

Meurtres au monastère

Je vous tiens au courant des avancées et des parutions

Sinon, en ce qui concerne mes romans, les autres sont toujours disponibles, sur Amazon, Babelio ...

https://www.amazon.fr/s?k=vietti+letoille&__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&ref=nb_sb_noss

Puisqu'on est ensemble, je vais vous parler des quelques problèmes qui me gâchent la vie.

Tout d'abord, un problème de santé: je souffre depuis de nombreuses années d'une maladie dite rare (1 cas sur un million de personnes chaque année) :

La maladie de Cushing

Une maladie orpheline qui me pourrit la vie sous toutes ses formes depuis des années, et plus encore depuis quelques mois puisqu'il y a récidive... liée à des chocs ayant généré un important stress.
Mais ainsi va la vie !

Un autre problème me gâche la vie, plus prosaïque mais aussi préoccupant.
Je publie de nombreux posts sur FaceBook expliquant la situation. Je tiens à vous mettre en garde !
Nous avons acheté une maison en République Dominicaine où nous avons vécu dix ans. Pour des problèmes de santé, nous avons dû quitter l'île en 2018 et rentrer en France.
Nous avons acheté ce bien par l'intermédiaire de Century 21, agence installée à Sosua et propriété de la famille Perdomo. Nous avions choisi de passer par leur intermédiaire afin d'avoir une garantie dans la transaction, puisque toutes les agences de cette entreprise adhèrent à une charte éthique commune, bien précisée dans leur contrat, qui garantit la légalité de la transaction, qui certifie que le bien est doté de documents légaux, avec passage chez un notaire agréé, et qui "prétend" l'existence d'une assurance (américaine citée) anti-escroquerie.
J'ai bien écrit "PRÉTEND" car tout ceci est un LEURRE !
Notre maison est invendable car, en dépit des engagements écrits et certifiés par le tribunal des Terres lors de l'achat, notre bien nous a été vendu sans l'authentique titre de propriété et il est de plus localisé sur une parcelle cadastrale erronée !
Il n'y a pas d'assurance anti-escroquerie puisque, contactée, elle m'a affirmé ne pas avoir de contrat au nom de Juan Perdomo, le propriétaire de l'agence !
L'agence et son notaire sont d'une arrogance égale à leur malhonnêteté.
Ils essaient de nous imposer une permutation avec un autre bien (dont un bien saisi par les États Unis... Rien ne les arrête ).
Si oralement, dans le secret de son bureau, le notaire (et propriétaire) a vaguement reconnu une erreur, il refuse d'en assumer la responsabilité et la culpabilité et surtout l'invalidation de la vente et son remboursement (cela fait dix ans que je lui réclame le titre de propriété que je sais, maintenant, impossible à obtenir !)
Estimant la puissance de sa famille suffisante pour contrer la petite gringa que je suis,  m'indiquant que je ne suis pas capable de comprendre les méandres et surtout l'interprétation très locale de la loi, il va jusqu'à me menacer de poursuite devant les tribunaux ...pour diffamation !
Mais contrairement à de nombreuses personnes vivant en République Dominicaine, je n'ai pas peur d'eux.
Je continuerai à poster mes publications indiquant leur malhonnêteté.
Je continuerai à remuer ciel et terre, dont le siège de Century 21 aux États Unis, que j'ai averti de la malversation !
Je continuerai à indiquer que cette agence est dirigée par des escrocs.
Je continuerai à me battre.
Je continuerai à avertir le danger que représente l'achat de biens en République Dominicaine, ce qui est bien dommage pour une population qui croule sous la corruption, le clientélisme, la domination de quelques riches familles et qui souffre.
Je n'ai pas les moyens de perdre une maison, mais j'ai la volonté de combattre.



vendredi 20 septembre 2019

Pensées !

Bonjour ou bonsoir à tous, suivant votre continent...

Voilà bien longtemps que je n'ai plus écrit sur mon blog. Je pourrais vous avancer des tas de raisons, toutes aussi valables les unes que les autres ! Mais beaucoup de gens ont des problèmes et continuent à écrire, à vivre. Sans doute ne suis-je pas aussi forte que certains (es).
Peu importe, je me suis décidée à reprendre ma plume, si possible la plus belle...bien sûr !

D'abord, recommencer à écrire. Je vous livrerai prochainement quelques extraits de mon dernier roman dont le titre (pour l'instant) est LINETTE. Il se déroule au début du vingtième siècle, pendant et après la première guerre mondiale aux conséquences si dramatiques pour notre monde.

C'est de notre planète dont j'aimerais vous entretenir, sans prétention aucune. Loin de moi l'idée d'afficher de grands raisonnements et de grands principes, alors que tant de têtes pensantes (peut-être bien pleines, mais bien faites? s'interrogerait à juste raison notre sage Montaigne) se penchent sur le sujet et nous délivrent leurs sages conclusions.
Je parle en tant que simple femme, mère, citoyenne, plus spectatrice qu'actrice du monde, la personne lambda comme il y en a des milliards, qui lit, entend, parfois écoute, voit et pose un regard effrayé plus que désabusé sur ce qui l'entoure.

Le monde brûle, au sens propre comme au figuré. Il continue à se consumer, Amazonie, Sibérie, Indonésie, Canaries, le Sud, le Nord, l'Ouest, l'Est... Mais un scoop chasse l'autre, alors on oublie et on parle d'autre chose, de la rentrée politique, des nouvelles voitures, de l'ouverture de la chasse (alors ça, c'est interessant !!! moins d'un million de chasseurs en France et on en parle partout ! Là, je sais, je ne vais pas m'attirer que des amis, mais bôf!!!)
Les guerres, on s'y est habitué, surtout quand elles se déroulent loin de nous. On râle tout de même quand, à cause de ces satanées drones, notre chère essence augmente. Mais les enfants du Yemen qui meurent de faim !! Après tout, "ils" n'avaient qu'à ne pas en faire...

Le monde est fou, nous sommes fous à lier. Nous sommes au bord du précipice et nous avançons gaillardement, sans réfléchir, on continue, on va de l'avant. Allons-y, tous en choeur ! Si possible, on va laisser les autres se noyer avant, vous savez ces gens qui viennent de loin, en barques, en bateaux, à la nage, parce qu'ils espèrent que chez nous, les "riches", ce sera mieux. Peut-être y en a-t-il même qui, naïvement, comptent sur notre aide...

Je suis effrayée, et je ne suis pas la seule, par notre planète actuelle, par l'évolution de la société humaine, qui n'est plus qu'une bête à consommation, à faire consommer le plus possible, le plus inutile possible, de façon égoïste, égocentrique ! Sommes-nous vraiment les descendants de Néandertal et de Cro-Magnon qui protégeaient plus intelligemment leur terre car ils avaient compris qu'elle était leur mère nourricière. Nous avons oublié d'où nous venons et, surtout, ne réfléchissons pas où nous allons.
Je ne suis pas une adepte de Rousseau et ne crois pas au "Bon Sauvage". L'Homme est ce qu'il fait. Il a été complètement manipulé, depuis des siècles, par ses dirigeants, ses religions, son clergé, ses économistes, et l'est de plus en plus. Il enrichit les multinationales qui, sous forme d'aides, de patriarcats, de créations de besoin, de publicités envahissantes, s'imposent dans notre vie quotidienne.
L'homme est plus asservi que jamais et, comme souvent dans l'esclavage, il fait de ses maîtres des idoles, sportives, artistiques, politiques, religieuses ...

Je suis étonnée que personne n'ose parler de ce qui semble être la raison la plus grave, c'est du moins mon impression: nous sommes trop nombreux, beaucoup trop nombreux sur terre. Comme souvent, l'avenir de l'Humanité passe par la Femme (je sais, ça fait passe-partout). Les femmes doivent être éduquées car ce sont elles qui gèrent la procréation et les naissances.
Tous les efforts pour le climat, la gestion des déchets, une planète plus propre, moins polluée, seront inutiles si la population mondiale continue à augmenter. Il n'est pas question d'eugénisme, mais de limitation des naissances dans le monde entier, pays riches, pays pauvres.
L'augmentation de la population mondiale n'est pas un progrès, si cette population à la croissance exponentielle ne peut être nourrie, éduquée, soignée, libérée.
Nous serons bientôt dix milliards, dix milliards à respirer, manger, boire, bref vivre !
Et dans quelles conditions, vivront nos enfants, nos petits-enfants ? Quelle planète ou quelle déchèterie allons-nous leur laisser en héritage ?

Je vous offre ces quelques photos pour conserver notre espoir !






lundi 1 juillet 2019

À lire, relire, partager et aimer.....

https://www.amazon.fr/dp/B07TRYWLJQ/ref=asap_bc?ie=UTF8

Une nouvelle d'Angéline Monceaux

pour
Les plumes francophones...

jeudi 18 avril 2019

Conseils de lectures !

Si vous aimez les femmes fortes, originales, indépendantes, si vous aimez l'Afrique du Nord, si vous aimez la douceur, si vous avez un peu de temps libre pour rêver, voyager ...

Lisez :

https://www.amazon.fr/s?k=vietti+letoille&__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&ref=nb_sb_noss

Des couvertures pour vous tenter !!!
Bonnes lectures !
N'hésitez pas à donner votre avis et ...à partager si votre voyage livresque vous a plu !




lundi 1 avril 2019

Le bonheur quand il est là ! Le problème douloureux des "petites bonnes"

Le bonheur quand il est là !

L'histoire nous plonge dans un problème contemporain, malheureusement toujours d'actualité, celles qu'on appelle pudiquement et hypocritement
"les petites bonnes"
que l'on devrait nommer les nouvelles esclaves...
De nombreux pays sont concernés par cette horreur, les employeurs sont persuadés (en toute bonne conscience???) de "rendre service"...
C'est une honte qui concerne des millions d'enfants dans le monde et dont on parle peu...
J'ai essayé dans mon roman de vous faire partager le quotidien d'une de ces jeunes victimes qui a force de caractère arrive à sortir de sa situation, parce que je voulais écrire une histoire qui laisse espérer. Mais c'est une petite minorité.
N'oublions pas ces enfants du travail, véritable esclavagisme moderne !

https://www.amazon.fr/BONHEUR-QUAND-EST-L%C3%80-ebook/dp/B07L9FL63K/ref=sr_1_fkmrnull_1?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&crid=1M3VKOZ5GKLAH&keywords=le+bonheur+quand+il+est+l%C3%A0+-+dominique+vietti+letoille&qid=1554111669&s=gateway&sprefix=le+bonheur+quand+il+%2Caps%2C163&sr=8-1-fkmrnull


mardi 26 février 2019

Bonjour à vous !

Chose promise, chose ...due ! Même avec un peu de retard !!!

Des problèmes dont je me passerais bien , mais qui sont là...

Problème de santé qui ne me laissent pas toujours la force d'écrire !

Lutte incessante contre une véritable mafia immobilière en République Dominicaine, face à laquelle je ne céderai pas jusqu'à mon dernier souffle.
Lassée, pour ne pas dire plus, de ces escrocs qui, par leur pseudo situation sociale, par les réseaux qu'ils ont et par la corruption qui gangrène le pays, croient berner les acheteurs que nous sommes en leur vendant un bien aux documents illégaux et en alléguant "qu'après tout, on a pu y vivre jusqu'à présent sans qu'ils ne nous ennuient"!!! Vous avez bien lu, un bien que l'on a acheté et payé, pour lequel on doit les remercier d'avoir pu y vivre... Je cauchemarde !!!
Surtout, ne faites pas confiance aux enseignes internationales : leurs garanties sont fausses, tout comme les assurances dont ils se prévalent (renseignements pris).
En bref, cela s'appelle abus de confiance, escroqueries, bref un vol !!!

Comme promis, pour adoucir les moeurs et mon message,

La suite de SAYNA...

Bonne et agréable lecture !





3

Après ces quelques jours de tranquillité à la campagne, toute la famille retourna en ville. Myriam retrouva avec plaisir sa grande maison, Karim, content de son dernier achat, retourna avec optimisme à ses affaires. Il envisageait, pour l'année qui venait, un voyage qu'il prévoyait assez long au Maghreb où il avait des contacts qu'il voulait renouer. La réflexion de son jeune collaborateur l'avait impressionné plus qu'il ne voulait le reconnaître. Il en avait longuement parlé avec  Myriam qu'il associait discrètement à toutes ses décisions importantes. Son épouse avait un jugement modéré et réfléchi. Par ses relations amicales avec une grande partie de la bonne société grenadine, mais également grâce à sa proximité affectueuse avec les domestiques et les nombreuses oeuvres auxquelles elle participait sous l'influence de sa mère, Myriam écoutait, apprenait et analysait avec une sagesse et un recul qui manquaient parfois à Karim. Élevée officiellement dans la foi musulmane dont elle respectait les principes, mais influencée par sa mère et sa religion métissée, elle avait des amis dans les communautés juive et chrétienne de la ville. Elle rapportait à la maison des rumeurs colportées qui, sans elle, se seraient arrêtées à la porte de leur demeure. Elles étaient une importante source de renseignements pour les activités de Karim et faisaient les délices d'Isabelle, d'Alba et des enfants. Myriam leur reprochait d'en faire des commérages, mais en riait parfois avec eux, surtout quand il s'agissait des aventures sentimentales des uns ou des autres. Ces ragots, ils se gardaient d'en parler avec Karim, en dépit du fait que parfois, cela pût avoir des conséquences économiques, comme certaines séparations ou aventures extra conjugales. Isabelle riait encore en racontant l'histoire de ce riche marchand surpris par sa femme dans le lit d'une voisine et qui avait dû, vêtu d'un drap comme pagne et de ses babouches, s'enfuir dans les rues de la médina au matin levant. Le mari de sa maîtresse étant un puissant conseiller du sultan, le commerçant fut obligé de partir. Son histoire fut racontée à Karim qui profita aussitôt de l'aubaine pour racheter à bas coût son affaire. Il aimait répéter qu'il n'y avait pas de morale dans les affaires, sinon il n'y avait ni affaire, ni profit possibles. Ce froid calcul choquait sa belle-mère qui affirmait que son époux défunt ne pensait pas ainsi. Ce à quoi son gendre répondait que c'était bien pour cela qu'il avait trouvé les finances familiales en si piteux état. Isabelle grommelait qu'un minimum de décence s'imposait et Myriam essayait d'éviter ces conflits dans lesquels elle refusait de prendre parti, connaissant la position et les arguments de chacun des interlocuteurs.
Ces disputes ne prenaient jamais de proportions inquiétantes, Isabelle étant reconnaissante à son gendre d'avoir rétabli la situation économique de la famille et de lui offrir la vie agréable dont elle profitait et Karim se reprochant parfois son immoralité professionnelle qu'il compensait en aidant nombre de ses collaborateurs et leurs familles, sans cependant s'en vanter.
La fin d'année chrétienne approchait. On serait bientôt en 1491 et la ville souffrait d'un hiver froid et surtout du siège mis en place par les souverains espagnols, Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon qui s'étaient mariés afin de consolider leur alliance et leurs armées. Le siège qui durait depuis plusieurs années se resserrait, sous la pression de la noblesse espagnole. Tout en étant vassale des rois chrétiens, Grenade conservait son indépendance, que certains estimaient alors menacée. Les rumeurs les plus folles circulaient dans la ville et la grande maison n'en était pas exemptée.
En dépit des conditions difficiles, Isabelle voulait fêter Noël comme elle l'avait toujours fait, "Depuis sa naissance", précisait-elle. Jamais, son époux ne l'en avait empêchée, elle y avait habitué sa fille et ses petits-enfants. Elle précisa à son gendre dès son mariage avec Myriam que Jésus était un prophète du Coran, Aïssa, appelé aussi Sidna, et que célébrer sa naissance était un acte de foi pour tous. Il y avait de nombreux chrétiens dans la ville et les habitants étaient habitués aux célébrations de Noël, de Pâques, comme de Yum Kippur, de l'Achoura, ou du sacrifice du mouton, fêtes qui faisaient toutes référence à des prophètes des trois monothéismes. Isabelle faisait le Carême comme le Ramadan et elle aimait bien quand des amies juives l'invitaient à célébrer la Pâque dont elle disait adorer les galettes cuites sans levain.
Malgré l'ambiance politique incertaine et le froid piquant de décembre, Isabelle fit préparer un repas de fête auquel elle convia les préférées de ses connaissances, offrant des saveurs aussi variées que colorées avec de délicieuses salades aux olives et cumin, des carottes à la fleur d'oranger, des poulets en sauce relevée au safran, de délicieuses pâtisseries à la pâte d'amande, au miel et à la cannelle. Elle leur offrait des boissons parfumées à l'eau de rose et si, malgré la demande d'Americ, elle évita le jambon de sanglier qu'il appréciait tant, respectant l'interdiction de consommation de porc dans les religion musulmane et juive, de délicieuses liqueurs et vins sucrés, issus des cépages des terres familiales, étaient offerts et appréciés par les convives. Les invités étaient réunis dans le salon d'apparat où une grande cheminée et de nombreux braseros réchauffaient l'atmosphère. Les discussions allaient bon train, les convives parlaient fort, riaient, mangeaient, oubliant la rigueur de l'hiver et les difficultés de la ville. Ce soir, d'où qu'ils viennent, ils voulaient oublier leurs problèmes, leurs différences et ne pas trop penser à leur avenir incertain.
Sayna et Americ aimaient ces soirées où ils goûtaient une liberté qu'ils n'avaient pas dans leur vie quotidienne. Leurs parents ne les laissaient pas sortir seuls, ils devaient toujours être accompagnés de serviteurs qui les protégeaient contre les violences qui se multipliaient en ville. Karim craignait que leur aspect d'enfants riches n'attise les convoitises. Ce n'est qu'à l'abri des hauts murs de leur grande maison, qu'ils étaient "libres" d'aller et venir, de parler sans se méfier, de jouer. 
Sayna remarqua une famille qu'elle ne connaissait pas, une mère à la beauté éblouissante, avec ses cheveux roux flamboyants, ses yeux verts et son teint de porcelaine, accompagnée de trois enfants qui devaient être les siens, une petite fille qui lui ressemblait et deux garçons bruns à la peau mate. L'un semblait avoir une dizaine d'années et le plus grand regardait avec un air inquiet l'assemblée de ses yeux étranges, car vairons. Il ne semblait connaître personne. Sayna donna un grand coup de coude à son frère qui rétorqua en lui tirant les cheveux dans un premier temps, une sorte de code habituel entre eux, avant de lui demander:
— Tu veux quoi?
— Regarde cette famille, au coin de la cheminée. Tu connais?
— Wouah! La femme est très belle, mais non, je ne sais pas qui ils sont. C'est grand-mère qui a du les inviter ou nos parents. Je vais me renseigner. Je suis aussi curieux que toi. Il est bizarre, le garçon, tu ne trouves pas?
— Tu n'as pas remarqué qu'il a les yeux de couleurs différente!
— Ah, oui! Pas facile de passer inaperçu avec ce truc-là.
Americ la quitta aussitôt, à la recherche de renseignements pour satisfaire leur curiosité. Il s'adressa tout d'abord à d'autres enfants et adolescents amis. Personne ne semblait les connaître. Il poursuivit son enquête en interrogeant les nombreux serviteurs qui circulaient entre les invités, leur offrant nourriture et boissons. Ils étaient occupés et pressés et se contentèrent de secouer la tête pour signifier leur ignorance. Finalement, il décida de demander à Alba. Si une personne devait être au courant, c'était bien elle. Elle contrôlait la bonne avancée de la soirée, se déplaçant entre la cuisine où elle surveillait la cuisson des plats et le salon où elle s'assurait de la bonne marche du service. Elle cessa ses va-et-vient quelques secondes et regarda Americ en souriant:
— Te voilà bien curieux! Elle est très belle, la dame, n'est-ce-pas?
— Oui, et son fils est bizarre.
— Ah, oui! Son regard… On dit que ce sont les gens qui ont vu le diable qui ont des yeux comme ça.
— Tu crois à cette légende?
Alba réfléchit quelques secondes.
— Je ne sais pas. J'ai connu peu de gens avec ce regard étrange. Cet enfant, je pense qu'il n'a peut-être pas vu le diable, mais certainement vécu des choses difficiles. Il a l'air d'un animal inquiet.
— Sais-tu d'où ils viennent? Qui les a invités?
— Demande à ta grand-mère. je pense que c'est elle qui les a invités. Il me semble qu'ils vont loger dans la maison quelques jours. Ton père m'a demandé de leur préparer une chambre pour eux quatre.
— Tu es sûre que tu n'en sais pas plus, Alba? Jure-le moi, comme tu sais le faire, sur les rivières et les arbres!
— Me faire jurer sur les divinités païennes le jour de Noël! Tu veux que j'aille en enfer?
Americ pinça les lèvres: il savait qu'Alba se fichait complètement de Noël et de l'enfer. Elle ne voulait pas lui répondre et devait savoir des choses qu'elle ne voulait pas lui dévoiler. Son imagination débridée s'enflamma aussitôt, imaginant des complots sordides, des aventuriers arrivés du bout du monde, des espions au service de l'ennemi. Alba, comme toujours, lisait en lui:
— Arrête de te raconter n'importe quoi. Demande donc à ta grand-mère ou à tes parents si tu veux connaître leur histoire. Je te laisse, j'ai du travail.
Elle tourna les talons et le planta avec ses questionnements. Il ne voulait pas revenir bredouille d'informations auprès de sa soeur qui se moquerait de lui à coup sûr et qui, peut-être, pire encore, avait appris des choses de son côté. Il hésitait sur l'attitude à adopter. À qui demander? Sa grand-mère semblait la plus abordable, mais en la cherchant dans l'assemblée, il la vit en grande conversation avec deux de ses meilleures amies. Elle ne lui répondrait pas, du moins pas de suite devant d'autres personnes. Sa mère était affairée pour assurer la bonne marche de la soirée. Quant à son père, qu'il craignait un peu, il était occupé à discuter avec Abraham et deux hommes qu'il ne connaissait pas. Inutile d'espérer un quelconque renseignement de ce côté. Le mieux n'était-il pas, finalement, de s'adresser directement au garçon qui suscitait leur curiosité. Il était un peu plus âgé que lui, l'âge de Sayna, peut-être davantage. Après tout, il était le fils de leurs hôtes et il pouvait, sans paraître trop curieux, lui parler, s'enquérir de ses désirs et occupations. Surtout si, comme l'avait indiqué Alba, toujours très bien renseignée, il allait séjourner à la maison. Ils seraient donc appelés à se revoir. Autant prendre les devants.
Décidé, il s'approcha de la jolie rousse et de ses enfants qu'il découvrit en pleine conversation avec Sayna. Ils discutaient à bâtons rompus et riaient comme s'ils se connaissaient depuis toujours. Il se sentit tout bête et furieux à la fois, contre sa soeur qui l'avait devancé. Il avança vers eux et s'immisça naturellement dans le groupe. Sayna se tourna vers lui:
— Voilà, Americ, mon petit frère.
Elle le faisait exprès, pour le vexer, en le nommant mon "petit" frère. Elle adoucit son accueil volontairement moqueur en le prenant par les épaules affectueusement. Americ lui sourit. Malgré tout, il l'aimait beaucoup, sa grande soeur!
— Americ, voici Maria, précisa-t-elle en indiquant la belle femme rousse.
Comme il voyait faire parfois son père avec des étrangères, Americ s'inclina galamment. La jeune femme lui répondit avec un sourire chaleureux.
— Bonsoir, Americ. Tu as l'air aussi charmant que ta soeur, et bien sûr, ta grand-mère et tes parents.
— Donc, elle connait toute la famille, pensa le jeune garçon. Il n'y a que nous à ne pas être au courant. À nous traiter toujours comme des enfants irresponsables, c'est pénible.
Il cacha cependant son amertume derrière un sourire qu'il savait rendre ensorcelant. Il était depuis quelque temps conscient de son pouvoir de séduction avec ses yeux bleus-gris changeants et ses cheveux bruns ondulés. Sayna reprit la parole. Elle semblait avoir déjà fait connaissance avec toute la famille.
— Voici Sofia, précisa-t-elle en désignant la petite fille qui ressemblait tant à sa mère, Thoren et Sylla sont ses deux grands frères. Ils arrivent du nord.
Thoren était vraisemblablement l'étrange garçon aux yeux vairons et Sylla, son petit frère. Quels étranges prénoms! Ils venaient du nord, ce qui signifiait quoi? Du nord de l'Espagne, ou de plus loin encore? En discutant avec les deux garçons, il apprendrait peut-être plus de choses, autant le savoir puisqu'ils allaient rester chez eux quelques temps. Ils parlaient l'arabe, comme lui, mais avec un léger accent étranger. Americ opta pour une question directe. La diplomatie n'était pas son fort, sa soeur le lui reprochait assez souvent.
— Tu viens d'où? demanda-t-il au plus âgé.
Thoren le fixa de ses yeux vert et marron, avec un doux sourire.
— De loin.
Comme réponse, Americ était renseigné! Se moquait-il de lui? Le jeune homme semblait hésitant. 
— Alba a peut-être raison, pensa Americ. Il a dû en voir et en vivre des choses pas faciles. Son sourire est presque douloureux.
— Tu vas rester quelques jours avec nous. On va pouvoir jouer. Je te présenterai mes amis et te ferai visiter la ville…si tu veux, ajouta-t-il.
— Je veux bien, répondit Thoren. Nous avons fait un long voyage éprouvant. J'espère que ma mère pourra se reposer avant que nous ne repartions.
La question brûla les lèvres d'Americ:
— Pour où?
Mais le regard de Sayna le fit taire. Il satisferait sa curiosité à un autre moment. Ce soir, c'était fête. Autant en profiter. Ces invités inattendus avaient souffert, ils avaient besoin de chaleur et non de curiosité. Ils n'avaient pas à subir un interrogatoire de sa part. Thoren parlerait quand il le souhaiterait. Americ comptait interroger Sayna car elle savait peut-être déjà des choses intéressantes!
Maria et ses enfants semblaient apprécier l'ambiance amicale de la soirée et la joie des convives. Toujours regroupés, ne s'éloignant pas les uns des autres, se cherchant du regard dès qu'ils se perdaient de vue, ils détendirent peu à peu. Les enfants mangeaient avec un tel appétit qu'il semblait qu'ils n'avaient pas mangé suffisamment  depuis quelque temps. Parfois, leur mère les modérait. Mais ils appréciaient avec un réel bonheur les plats et les pâtisseries qu'Alba leur présentait avec insistance.  Americ était certain que l'attitude d'Alba n'était pas involontaire et qu'elle en savait certainement plus qu'elle ne le prétendait.
Demain serait un autre jour et Americ se mettrait en chasse de renseignements pour satisfaire sa curiosité. Ces mystérieux étrangers l'intriguaient!



lundi 28 janvier 2019

SAYNA !

Bonjour à tous,

En cette fin de janvier, plongée dans un hiver européen dont j'avais oublié les rigueurs, mais aussi en ce début d'année nouvelle, je m'engage dans un pari:

Publier tous les dix ou quinze jours (vous voyez, je reste prudente) l'avancée de mon dernier roman que j'ai intitulé

SAYNA 

du nom de son héroïne!

Et oui, je ne perds pas mes habitudes, une héroïne, une femme forte, capable d'affronter l'adversité!
J'ai changé d'époque, je situe mon roman dans l'Espagne de la fin du XVème siècle, dans les dernières années du petit royaume musulman de Grenade. On ne se refait pas...On reste toujours dans ses amours!
Ensuite, à vous de découvrir.
Je ne vais pas vous livrer toute l'histoire, d'autant plus que si la trame du roman est bien définie, il y a toujours des faits, des personnages imprévus qui s'imposent au fur et à mesure du récit. C'est mon système d'écriture...

J'espère tenir le rythme que je veux m'imposer, sachant qu'il s'agit d'un premier jet, que je corrigerai ensuite.
Je compte sur votre tolérance pour en pardonner les erreurs !

Bonne lecture et un agréable voyage dans l'Al Andalus de la fin du XVème siècle (9ème siècle de l'Hégire) qui vous entraînera ensuite bien plus loin...














Sayna




Dominique VIETTI-LETOILLE
CHAPITRE 1


Quel oiseau chantait dans le patio? Le rossignol sauvage dans les buissons de roses écarlates? La tourterelle grise prisonnière dans sa cage? Le canari siffleur derrière ses grilles?
Elle se retourna sur son lit, encore ensommeillée. Il lui semblait entendre des bruits au loin. Provenaient-ils de ses rêves à peine finissant ou de la réalité qui la rattrapait?
Elle prit peu à peu conscience de son corps qui s'éveillait. La nuit et le sommeil lui apparaissaient comme une petite mort. Elle s'en était confiée à Alba, sa précieuse nounou, qui veillait sur elle avec tant d'affection. Celle-ci lui avait raconté une légende de son pays, lui indiquant que chaque jour était un éveil au monde, une victoire du soleil et de la lumière sur le noir et l'obscurité. Dans son village, poursuivait-elle, on célébrait la renaissance du jour par une salutation qui éveillait l'esprit et le corps et qui remerciait la nature. Sayna en avait appris les rituels et ne manquait pas de les invoquer quand elle n'oubliait pas et surtout quand personne ne la voyait dans la maison. Sa mère, ni son père n'auraient apprécié ces rites païens que lui inculquait sa nourrice. La jeune fille le savait et pour rien au monde n'en aurait parlé. Officiellement, Alba, esclave dans la grande demeure bien avant sa naissance, s'était convertie à la religion monothéiste de ses maîtres depuis son arrivée dans la maisonnée alors qu'elle n'était qu'une jeune adolescente apeurée. Elle semblait avoir bien changé depuis, mais sous ses airs apparents de domestique intégrée, elle conservait de son enfance des souvenirs qu'elle partageait avec la jeune fille dont elle s'occupait depuis la naissance. 
— Une façon pour moi de ne pas disparaître complètement, lui assurait-elle. 
Une continuité aussi, peut-être même une espèce de vengeance par rapport à ses maîtres qui l'avaient achetée. Élever leur enfant chérie dans les croyances anciennes des peuples conquis et soumis à l'esclavage était une façon de conserver une liberté et un pouvoir dont ils l'avaient dépossédée.
Elle entendit le pas léger d'Alba qui poussait la porte et entrait dans sa chambre. Sayna se demandait toujours comment sa nounou savait l'instant précis où elle ouvrait les yeux. Quand elle lui posait la question, Alba se contentait d'un sourire:
— Je sais, c'est tout. C'est parce que je t'aime et je vis en toi.
Cette réponse laissait la jeune fille dans l'interrogation. Elle en avait parlé à sa grand-mère qui lui avait répondu:
— Alba est un peu sorcière, comme moi. N'en parle à personne.
Alba et Isabelle, les deux personnes indissociables de la vie de Sayna. Toutes d'eux d'origine étrangère et, comme aimait à le répéter son père, Karim, aussi bizarres l'une que l'autre.
— Je m'en méfie, se plaisait-il à répéter , mais je n'ai pas d'autre choix que de les supporter.
Les deux femmes, à la personnalité bien affirmée, s'imposaient dans la maison. Avec leurs  origines et histoires particulières, elles formaient un duo de choc, dont beaucoup se méfiaient, mais essentiel à la bonne marche de la famille.
Elles étaient différentes et, paradoxalement, se ressemblaient, parfois complices, parfois jalouses, mais finissant toujours par obtenir gain de cause. Elles avaient un point d'attache commun, Sayna, qu'elles défendaient comme des louves, aussi féroces que des lionnes envers quiconque s'en approchait ou la menaçait. La jeune fille trouvait parfois leur amour un peu étouffant.
Isabelle était sa grand - mère maternelle, la mère de Myriam. Née chrétienne dans cette Espagne musulmane du quinzième siècle, elle avait quitté sa famille et le luxe de son château de naissance pour épouser son grand-père qu'elle avait croisé dans les rues de sa ville natale où il était en mission diplomatique. Il avait été reçu par les dirigeants chrétiens de Tolède avec qui les échanges étaient nombreux. Il était tombé sous le charme des yeux verts de la demoiselle qui en avait joué pour le séduire. Il ignorait qu'elle avait organisé la réception à laquelle il était invité et avait rapidement succombé à sa séduction. Elle avait su convaincre son père de la laisser épouser ce jeune homme musulman, si aimable, si cultivé et si riche. Son père, étant incapable de résister à sa fille, avait cédé. Les unions mixtes n'étaient pas rares dans cette Espagne qui ne savait pas vraiment si elle était encore musulmane, le sud du pays restant sous la domination des Arabes, ou déjà chrétienne, comme une grande partie du nord du pays de la Reconquista. Tous ses habitants étaient des sangs mêlés, même si certains prétendaient conserver leur sang bleu.
Isabelle avait épousé son bel étranger et était venue s'installer avec lui près de Grenade, dans la grande finca de sa nouvelle famille. Elle s'était très vite imposée, avait conservé son prénom et sa religion chrétienne en dépit de sa belle - mère, avait câliné son beau - père, devenu son meilleur allié, et s'était révélée un pilier de la famille, s'affirmant par un caractère déterminé et un esprit d'entreprise qui compensaient la trop grande gentillesse de son époux. Elle avait décidé n'avoir qu'un enfant, au grand désespoir de sa belle - mère, surtout quand l'enfant se révéla être une fille, qu'elle prénomma Myriam, dont l'oecuménisme lui plut. Son mari approuvait tout ce qu'elle faisait. Jamais son admiration pour son épouse chérie ne faillit. On racontait dans la maison que ses derniers mots furent une déclaration d'amour à celle qui fut sa compagne, paroles qu'il murmura avant de rendre son dernier souffle, refusant la prière que son entourage voulait qu'il prononce afin de s'ouvrir les portes du paradis. 
— Mon paradis est là, chuchota-t-il. C'est Isabelle.
Cette mort, romantique à souhait, accompagna toute l'enfance de Sayna dont le grand - père disparut peu avant sa naissance. Sa grand-mère, en dépit de son réel chagrin, reprit le cours de la vie avec l'énergie qui la caractérisait et se consacra alors entièrement à sa petite-fille dans laquelle elle voyait une réincarnation de son époux. Encore une idée étrange qui faisait grincer les dents du père de Sayna, sourire sa mère, Myriam, et qui était largement approuvée et partagée par Alba qui y retrouvait une de ses croyances anciennes. Toutes deux, parfois, organisaient des cérémonies étranges, dans une vieille chapelle abandonnée de la ville, ou dans une grotte au fin fond de la propriété qu'Alba avait aménagée à sa manière, la remplissant de statuettes surtout féminines, de talismans et autres objets bizarres. Elles y invoquaient pêle-mêle des saints chrétiens, des divinités païennes et des marabouts musulmans. 
La religion qui imprégnait Sayna était un syncrétisme entre tout cela, auquel s'ajoutaient les écrits philosophiques grecs et romains que lui inculquait son précepteur, admirateur inconditionnel de Platon, Cicéron, Virgile et Aristote.
Sayna avait une tête bien pleine, mais parfois un  peu confuse, d'autant plus qu'elle vivait dans une ville arabe et musulmane et que ses parents pratiquaient un islam libéral, tout en respectant les principes essentiels. Si les cinq prières quotidiennes n'étaient pas systématiques, en dépit des superbes tapis de prières que l'on trouvait dans toutes les pièces de la grande maison, on pratiquait le jeûne du Ramadan, on n'oubliait pas l'aumône envers les plus pauvres, son père avait fait le pèlerinage à La Mecque, qu'il avait couplé certes avec un voyage d'affaires, il est vrai, et les expressions louant Allah faisait partie du vocabulaire courant, sans peut-être qu'on y accorde systématiquement un sens religieux. Isabelle mélangeait volontiers les intercessions auprès de Dieu et de ses saints et celles envers Allah, dont elle disait que c'était le même personnage. Ces propos faisaient rire jaune les religieux qui les entendaient, mais personne n'osait affronter l'énergique vieille dame, ni se fâcher avec sa famille riche et bienveillante.
Sanya avait un petit frère, Americ, qui bénéficiait de la même éducation hétérogène et dont le rire égayait toute la maison. Il se fichait éperdument des croyances des uns et des autres et, en dépit de son jeune âge, en prenait ce qui lui convenait. Il ne voulait pas jeûner, se trouvant trop jeune et prétextant des malaises quand il restait la journée sans manger. Tout en n'étant pas dupes, se rendant compte que sa grand-mère le nourrissait en cachette, ses parents avaient cédé, expliquant à leur entourage qu'il souffrait d'une santé fragile, ce qui laissait les proches sceptiques face à sa redoutable énergie, et que Dieu exemptait les malades du jeûne. 
De même, il mangeait les aliments interdits: il avait découvert, lors d'un repas dans une famille chrétienne de la ville, le goût du cochon sauvage. Il avait adoré et s'en procurait qu'il dévorait avec Isabelle et Alba, en cachette de son père et avec l'accord tacite de sa mère qui fermait les yeux devant les excentricités d'Isabelle. Il lui arrivait aussi, en dépit de son jeune âge, à peine quatorze ans, de se délecter de ce vin sucré qui était produit dans le sud de l'Espagne et qu'Isabelle se faisait livrer régulièrement, prétendant que cela la requinquait lors qu'elle se sentait faible. Cela laissait dubitatif son entourage qui se demandait quand elle pouvait bien faiblir!
C'est dans cette famille originale, mais affectueuse et unie, que Sayna grandissait, heureuse, la tête remplie des contes et légendes d'Orient et d'Occident, s'extasiant aussi bien sur les combats des valeureux chevaliers chrétiens, admirant les romans courtois dont les belles dames avaient le droit de choisir leurs champions, que se délectant des aventures de Simbad le Marin ou rêvant avec les contes des Mille et Une Nuits et la belle Shéhérazade, sans parler des récits animistes d'Alba. 
C'était une jolie adolescente, aux yeux verts, à la chevelure aux reflets roux, délicatement nuancés par les applications de henné, ce qui mettait en valeur le teint clair dont elle avait hérité de sa mère et de sa grand-mère. Depuis quelque temps, elle remarquait que ses parents, en particulier son père, malgré l'adoration qu'il lui portait, évoquait un éventuel mariage avec un jeune homme bien sous tous rapports, fils d'un ami cher, beau, précisait-il, riche, ce qui n'était pas à négliger , et cultivé, car il avait conscience que l'éducation qu'il avait donnée à sa fille ne lui ferait pas accepter un rustre.
Ces évocations provoquaient la colère d'Isabelle qui martelait qu'elle avait choisi "son homme", tout comme sa fille, rappelait-elle à son gendre, et qu'il n'était pas question d'imposer un mariage à sa petite-fille qui était, de surcroit beaucoup trop jeune, pour se marier. Une mauvaise foi évidente  qui lui faisait refuser d'entendre les réponses de Karim quand il lui rappelait qu'elle était bien plus jeune quand elle avait choisi son mari, arguments qu'elle balayait d'un revers de main:
— Ce n'était pas la même époque. Vous êtes rétrograde, mon cher!
Son père, pour éviter toute dispute qu'il craignait de perdre face à la coriacité d'Isabelle, se contentait d'entretenir de ses projets sa fille quand ils étaient seuls, en lui proposant de lui présenter cet éventuel prétendant.
— Sans aucune contrainte, ni engagement, précisait-il. Peut-être, te plaira-t-il!
Sayna était partagée. Certaines de ses amies étaient déjà promises, les plus âgées mariées depuis peu. Celles-là, elle les voyait moins qu'avant, prises qu'elles étaient par leurs occupations et responsabilités nouvelles. Ce manque de liberté ne la tentait guère. Elle préférait prendre son temps. Elle accepterait, dans quelque temps, pour faire plaisir à son père, de rencontrer son candidat, mais, en secret, elle aurait aimé vivre la même aventure que sa grand-mère qui lui avait maintes fois raconté sa rencontre avec son grand-père, sa séduction et son bonheur. Sayna rêvait d'une rencontre magique avec un beau jeune homme!

CHAPITRE 2

Les journées s'écoulaient paisiblement dans la grande maison, emplie de rires et de chants, parfois des cris de colère d'Isabelle dont le rude caractère terrorisait certains de ses proches, à l'exception de ses petits-enfants et d'Alba, qui rejetait d'un haussement d'épaules les remontrances de la vieille dame. Depuis quelque temps, Americ semblait imiter sa grand-mère et on l'entendait râler … après ses chiens, sa soeur parfois, les contrariétés de la vie surtout, qu'il semblait mal supporter quand elles s'opposaient à ses envies. Dans ces moments-là, seule sa grand-mère lui tenait tête, ses parents préférant s'éclipser et Sayna se contentant de rire, ce qui accroissait sa rage.
Sayna et Americ avaient un emploi du temps bien rempli, comme tous les entants de riches familles. La matinée était consacrée à l'étude, littérature, philosophie, mathématique, histoire géographie et langues. Dans cette Espagne si diversifiée, leur père jugeait nécessaire qu'ils parlent plusieurs langues, celles de leurs ancêtres, l'arabe, le castillan, mais aussi le latin, indispensable pour se pencher et comprendre les textes anciens, un peu de grec, et la langue des francs, ce royaume au nord dont on disait à cette époque qu'il devenait le plus puissant de cette partie du monde.
Le repas de la mi-journée était pris en famille, sauf lorsque leur père devait s'absenter pour ses affaires. Il était servi par les domestiques et esclaves de la maison sous la surveillance sans concession et l'oeil acéré d'Alba qui en surveillait la préparation et le service. Les mets étaient variés, Isabelle, Myriam et Alba choisissait les menus qui se faisaient en fonction des saisons et des produits disponibles, mais aussi suivant les goûts et habitudes alimentaires de chacun. Isabelle avait introduit des recettes espagnoles, Karim ses goûts alimentaires familles d'Afrique du Nord et Alba les avait habitués à des recettes abritaient originales.
La table familiale était réputée dans la ville et on se disputait lors des réceptions pour y être invité. Isabelle et Alba éduquaient les entants à l'alimentation, tant pour les saveurs que pour la préparation des plats. Cette formation culinaire ne plaisait pas trop à leur père qui estimait que les domestiques étaient là pour ce service, mais il n'osait pas s'opposer aux arguments de sa belle-mère qui lui clamait qu'on ne savait jamais de quoi l'avenir pouvait être fait et que savoir se sustenter ne pourrait être un mal. Il y répondait par un haussement d'épaules, une moue dédaigneuse et tournait les talons, refusant de s'engager dans une discussion qu'il savait perdue d'avance. Il arrivait aux entants de préparer des repas, ce qui n'était pas pour leur déplaire, même s'ils savaient que aucun de leurs camarades ne se prêtaient à cette occupation. L'avenir donnera raison à leur originale grand-mère.
Les après-midi étaient des moments de détente, de loisirs, de promenade. Une fois par semaine, les enfants avaient des cours de musique: ils écoutaient des chanteurs invités, s'essayaient au chant ou à certains instruments de musique. La musique andalouse était un ciment collectif entre les communautés musulmane, juive et chrétienne. Grands et petits, jeunes et plus âgés se complaisaient à écouter les poèmes chantés de Ibn Ezra de Grenade ou de Ibn Sahl al-Israeli de Séville qu'accompagnait délicatement ou de façon plus rythmée le luth. Ils voyageaient pareillement avec les récits des trouvères et troubadours qui venaient de pays du Nord et qui leur contaient les récits des preux chevaliers et de leurs belles dames. Les thèmes des deux musiques traitaient des mêmes épopées guerrières et amoureuses qui faisaient rêver Americ qui se voyait en héros guerrier pourfendant un ennemi pas toujours bien identifié, Sayna qui s'imaginait en demoiselle adorée par son élégant chevalier et même Isabelle et Alba que leurs songes faisaient voyager dans un temps lointain connu d'elles-seules.
Le temps clément de la région andalouse permettait de nombreuses sorties et ballades en ville ou à la campagne. Ils rendaient visite à leurs parents et amis, nombreux car la famille était connue et installée depuis de nombreuses générations dans la cité. 
Karim possédait des terres dans les environs de la ville, orangeraies, roseraies, champs cultivés de toutes sortes de produits qui constituaient une de ses principales sources de richesse et qui alimentaient une grande partie de ses activités commerciales. La route d'Al Idrissi citait déjà au douzième siècle la région comme une riche région agricole, en particulier produisant de la canne à sucre dont l'Europe comme le Maghreb étaient friands, tout comme ils raffolaient du riz, du safran, de la cannelle, du cumin, des amandes et autres épices. Le coton était envoyé en Orient comme en Occident, dont la qualité et la solidité en faisaient un tissu de choix.
L'Andalousie était une importante région commerciale où de nombreuses routes et commerçants se croisaient. Un lieu de rencontres internationales qui enrichissaient le pays et ses habitants, tant financièrement que culturellement.
Sayna aimait particulièrement les sorties à la campagne. On y partait souvent la journée entière, parfois on dormait sur place, quand il faisait doux, évitant les froids piquants de l'hiver, qui pouvaient apporter de la neige sur les sommets proches, tout comme les fortes chaleurs estivales, préférant le printemps quand les fleurs parfumaient et coloraient les paysages, ou l'automne, quand les arbres commençaient à roussir et les champignons à sortir de terre.
Femmes et entants partaient dans des charrettes où s'entassaient des victuailles, quelques vêtements en cas de petite fraîcheur, de l'eau, des jus de fruits dans des jarres bien bouchées, des friandises qu'on grignotait tout le long du chemin. Les enfants, les esclaves et les domestiques cheminaient à coté des attelages où étaient installées les dames de la maison. Myriam se mêlait parfois aux enfants et marcheurs. Le chemin n'était pas très long et agréable. On quittait la grande maison familiale par les petites rues de la ville où tout le monde marchait en file indienne, l'attelage passant à peine à travers les ruelles de la médina. Dès la sortie de la ville, le chemin de terre s'élargissait, bordé de champs et de prairies colorés. Les enfants en profitaient pour s'éparpiller joyeusement, cueillaient des bouquets, jouaient, criaient, se poursuivaient avant de remonter, fatigués, et de s'effondrer sur les sièges inconfortables de la charrette où, parfois, repus de fatigue, ils s'endormaient. Le voyage durait deux bonnes heures. On partait tôt pour arriver peu avant l'heure du déjeuner.
La ferme possédait une maison de pisé, construite autour d'un patio de doriques colorées et vernissées qui égayaient les tons ocres de la construction. L'ameublement y était sommaire, des tapis de laine sur les sols des pièces ouvrant sur la cour intérieure, quelques banquettes avec des matelas de laine pour s'y asseoir ou y dormir, ce qui arrivait parfois à la maisonnée, des tables rondes et basses pour pouvoir manger plus confortablement. Une fontaine au milieu du patio approvisionnait la demeure en eau et une des pièces était pourvue d'un gros poêle à bois et de plusieurs braseros pour cuisiner et se réchauffer. La plus grande salle offrait une cheminée où il arrivait le soir de profiter d'une bonne flambée pour laquelle il y avait toujours des fagots de bois prévus.
La demeure était assez vaste, même si elle ne présentait ni le luxe ni le confort de leur palais en ville et Isabelle et les enfants en raffolaient. Pour éviter les mauvaises surprises que pouvait lui valoir son relatif isolement, un gardien était affecté à sa surveillance. Il vivait dans une petite maison adossée à la construction principale qu'il surveillait ainsi que les granges et dépendances qui constituaient la ferme. Un poulailler abritait une vingtaine de volailles qui finissaient parfois dans la casserole de la cuisinière, au grand dam de Sayna qui refusait de manger un animal qu'elle avait vu, nourri et souvent caressé. Elle se contentait de manger les oeufs, moquée par son frère qui mordait à belles dents dans une cuisse de poulet dont il ne cessait de vanter la saveur. Seule Isabelle la défendait en demandant à Americ s'il consentirait à manger son chien qui le suivait partout où il allait. Le jeune garçon répondait qu'on ne pouvait comparer une poule et son précieux Paolo, ainsi qu'il avait décidé de nommer son fidèle ami à quatre pattes, mais ne trouvait pas de réponses satisfaisantes quand, poussé dans ses derniers retranchements par les questions acérées de sa grand-mère et de sa soeur, il finissait par dire que c'était évident, attrapait son chien et rétorquait, avec un air de grand seigneur:
— Paolo, quittons cette assemblée qui nous veut du mal!
Ce qui faisait bien rire les convives!
Alba partageait les idées de Sayna et refusait de manger toutes les viandes animales. Elle prétendait que chaque être vivant avait une âme, une sensibilité et une intelligence,  que les animaux étaient des esprits avec qui elle communiquait et qu'elle se refusait à manger ses amis! Elle avait presque converti Sayna à cette philosophie et la jeune fille, pourtant gourmande et gourmet, délaissait de plus en plus la consommation animale au profit d'une consommation végétale, agrémentée de nombreuses gourmandises qu'Alba ne manquait pas de lui préparer.
Karim appréciait peu ce changement de mode alimentaire, accusant Alba d'hérésie ou d'apostat dans ses croyances profondes. Ce que à quoi, la vieille esclave qui ne s'en souciait guère, répondait par un soupir et un haussement d'épaules. Il répétait à sa fille qu'elle ne mesurait pas sa chance de pouvoir manger de la viande et choisir ses aliments alors que tant de gens en manquaient et mangeaient ce qu'ils pouvaient bien trouver. Myriam avait bien essayé de persuader sa fille du bien-fondé de la consommation de viande, mais en vain. Isabelle ne prenait pas partie dans ce problème, car en fait, elle avait des arguments en faveur des deux bords et se révélait incapable de trancher, ce qui était un fait rare chez elle.
Cela n'affectait pas vraiment la vie familiale, encore moins les séjours à la campagne de la famille.
Une vie radieuse, privilégiée, dont Sayna et les siens profitaient sans égoïsme, mais avec une tranquillité sereine!
Ce jour-là, toute la famille était réunie à la ferme, Karim les avait accompagnés exceptionnellement car il voulait acheter des terres voisines qu'un paysan vendait, désireux de quitter le pays. Il se murmurait que la reconquête du pays par les chrétiens progressait. Karim dont les proches formaient un métissage complexe, ne croyaient pas à un quelconque danger. Il répétait que, même dans le cas d'une défaite militaire du royaume musulman d'Al Andalous, les populations civiles ne seraient pas inquiétées et tous continueraient à cohabiter. Il y aurait certes des changements, mais les trois communautés musulmane, juive et chrétienne avaient besoin les unes des autres. Les affaires restaient les affaires, par delà les différences religieuses et les faits politiques et militaires. Il ne se prononçait pas quant aux résultats militaires, il reconnaissait ne pas être un soldat, simplement un commerçant et un homme d'affaires dont la famille était installée depuis des générations dans la région. Beaucoup de ses cousins, proches ou lointains, étaient juifs ou chrétiens. Leur statut de dhimmi impliquait des contraintes, mais Karim s'en préoccupait peu. Il avait parfois aidé certains non-musulmans avec qui il réalisait des affaires. Son épouse, Myriam, était issue d'une union mixte, sa belle-mère, Isabelle, était chrétienne et, il le savait bien, n'avait pas vraiment abandonné sa foi qu'elle avait, sans se cacher, transmise à sa fille et ses petits-entants.
Ne comprenaient-ils pas tous la même langue, cet arabe andalou qui constituait un facteur d'unicité? Beaucoup d'habitants de l'Andalousie médiévale pratiquaient également l'arabe classique et le castillan, pour les besoins des affaires. Selon leur origine, certains pratiquaient le mozarabe ou le judéo-espagnol. Malgré cette diversité, Karim pensait que tous appartenaient à la même communauté, attachée à la même terre malgré leurs différences religieuses. 
Il était décidé à rester dans son pays, quelqu'en soit le destin politique et militaire. Il entendait profiter des achats qui se présentaient en cette période que certains pressentaient comme dangereuse. Arrivés à la ferme, tous déjeunèrent des victuailles préparées avant le départ. Karim expédia le repas avant de prendre visite au voisin vendeur, accompagné de son principal collaborateur, un jeune juif du nom d'Abraham Levy, qu'il concéderait comme son fils adoptif. Il prétendait avoir plus confiance en lui pour gérer ses affaires qu'en sa propre famille. Il essayait de former son fils Americ aux affaires, ce qui ne semblait pas vraiment l'intéresser. Abraham préconisait de la patience et prenait souvent le jeune garçon avec lui pour l'instruire de la gestion des nombreuses activités de Karim. Il est vrai qu'Americ paraissait vraiment hermétique à tout interêt pour le commerce, mais le jeune collaborateur ne désespérait pas. Il espérait aussi conserver son poste de proche collaborateur dans les entreprises de Karim dont il connaissait parfaitement le fonctionnement. Ce travail lui plaisait, il lui apportait aisance financière, lui permettait de voyager aussi bien en Espagne qu'au Maghreb et il avait trouvé avec Karim le père qu'il n'avait pas eu. Les différences de croyances religieuses n'avaient pas d'importance. L'islam tolérait les gens du Livre, c'est à dire les chrétiens et les juifs qui étaient de même essence que la foi musulmane et monothéistes. Karim s'inquiétait davantage des croyances polythéistes d'Alba dont il savait, malgré les apparences, qu'elle n'avait pas abandonné sa religion d'origine de sa lointaine Afrique. Il l'avait prévenue qu'il ne pourrait pas la défendre si elle se trouvait accusée de sorcellerie ou d'apostat, malgré ses relations. Ce qui touchait à la religion, malgré une relative tolérance, échappait au commun des mortels. Ces arguments ne semblaient pas toucher la vieille esclave qui lui répondait qu'à son âge, elle en avait bien vu d'autre.
Ce problème ne préoccupait pas Karim ce jour-là. Il venait discuter du prix de la propriété que son voisin voulait vendre, espérant l'avoir à un bon prix, étant donné la presse dont faisait preuve le paysan qui voulait vendre très vite pour partir sur un bateau qui quittait le port de Séville dans quelques jours. Sa famille et ses bien mobiliers étaient déjà dans la ville portuaire et l'attendaient avec impatience. Il avait l'opportunité d'acheter un petit commerce dans la ville de Fès et entendait profiter de cette occasion de réinstallation dans un pays qu'il estimait plus sûr pour lui et les siens. Il salua Karim et son collaborateur avec beaucoup de déférence car il en connaissait la richesse et espérait faire affaire le jour même. Une sorte de jeu se mit en place entre vendeur et acheteurs, le premier louant les bienfaits de sa propriété dont il assurait ne se séparer que par obligation et le coeur déchiré, les seconds considérant de façon hautaine les bâtiments qu'ils jugeaient fort dégradés et les terres fort peu fertiles et mal entretenues. Le marchandage dura plus de deux heures, au bout desquelles ils se mirent d'accord. Karim jugeait qu'une affaire était bonne quand les deux parties s'estimaient contentes et non lésées. Il acheta les terres à un bon prix, cela agrandissait considérablement sa propriété déjà fort importante. Son voisin était très content que l'affaire se conclût aussi vite. Il était pressé de partir avec la somme convenue. Pour plus de sécurité, Karim lui avait donné une lettre de change, appelée sakk, contre laquelle un de ses partenaires commerciaux remettrait à Fès la somme correspondante au vendeur. Cela évitait le transport d'espèces et les risques de perte ou de vol.
Le vendeur, satisfait,  eut vite fait de réunir ses quelques affaires et se mit en route avec une caravane de chevaux et mules qui partaient avec voyageurs et marchandises jusqu'au grand port andalou. Il y rejoignait sa famille et ses domestiques et tous s'embarqueraient sur un navire qui, en quelques jours et si Dieu le voulait, les mènerait jusqu'à la ville de Tanger. De là, par les routes commerciales et en faisant plusieurs arrêts dans les caravansérails qui parsemaient ces chemins si importants pour le royaume maghrébin où il comptait s'établir, il arriverait dans quelques semaines à Fès où une partie de sa famille était déjà établie. Il ne s'y sentirait pas perdu, car les compatriotes y étaient nombreux. Il se retrouverait dans une société dont il connaissait la langue, la religion, la culture et surtout il s'y sentirait en sécurité. Il était certain d'avoir fait le bon choix et quittait sans réel regret la terre de ses ancêtres qu'il considérait comme perdue pour les arabes musulmans. Il n'avait pas confiance en la reconquête qu'il voyait comme dangereuse pour ses coréligionnaires. L'idée de revanche risquait de diviser des populations qui vivaient en bonne entente depuis des siècles. Les religions, à son avis, n'étaient pas vraiment faites pour l'harmonie entre les hommes. 
La situation politique n'était pourtant pas simple au Maghreb, il le savait. Les Mérinides connaissaient bien des difficultés et Fès était le centre du petit royaume des Wattassides, des Berbères s'établissant en sultanat. Mais il se trouverait en terre musulmane qui ne risquait pas de faire l'objet de la reconquête chrétienne, même si des mercenaires européens combattaient dans les armées des sultans et si les Portugais occupaient quelques ports et villes. 
Karim ne partageait absolument pas ces craintes. Il était chez lui et n'envisageait pas de partir. Parfois, il reconnaissait que les progrès de la Reconquista pourraient mettre en danger la situation politique des petits royaumes musulmans d'Al Andalous. Mais tout le monde, chrétiens, musulmans et juifs, avait besoin d'activités économiques, de commerce, d'argent et lui était avant tout un homme d'affaires, important de surcroît, qui avait toujours fait preuve d'une grande tolérance religieuse. Au fond, il ne se préoccupait pas de la religion de ses interlocuteurs, en recherchant tout d'abord la compétence et l'interêt. De plus, il ne se souciait pas d'une éventuelle arrivée des chrétiens au pouvoir, étant issu d'une famille multi-religieuse. Son épouse était à moitié chrétienne, il savait bien que sa belle-mère, Isabelle, continuait à pratiquer sa foi sans vraiment s'en cacher. Ne se disait-on pas également que sa famille descendait d'une vieille famille anciennement convertie lors de la conquête arabe et dont la mixité avait traversé les siècles. En réfléchissant, il se trouvait toujours une tante juive, un aïeul chrétien, un oncle marié avec une étrangère à la religion mal précisée dans son entourage familial. Cela ne dérangeait pas la marche des affaires et la cohésion du groupe. Certes, le polythéisme d'Alba le gênait parfois, non pas à cause de ses croyances, mais il avait toujours peur qu'un extrémiste ne dénonce ses pratiques pas toujours aux normes sociétales. Après tout, la vieille esclave pouvait croire en ce qu'elle voulait. Qu'est-ce qui prouvait qu'elle eût tort?
Cet automne de l'an 895 de l'Hégire était très doux. Les récoltes de céréales avaient été bonnes et les greniers étaient pleins. Les ventes de grains avaient encore enrichi Karim qui se frottaient les mains après la bonne affaire qu'il venait de faire.
— Abraham, les affaires sont meilleures que jamais. Nos ventes progressent. Tu es le meilleur vendeur que j'ai eu depuis longtemps. Tu n'as pourtant pas l'air satisfait. Aurais-tu des problèmes? Si je peux t'aider, je le ferai.
— Non, Sidi, vous avez fait une bonne affaire… pour le moment.
— Mais…Achève ta pensée!
— La situation politique est incertaine. Beaucoup envisagent le départ vers le Maghreb.
Karim chassa cette idée d'un revers de main, comme si un moustique le gênait.
— Des pessimistes et des peureux. Que veux-tu qu'il se passe?
— La Reconquista progresse. Il se murmure que le petit royaume de Grenade ne résistera pas.
— Mais les royaumes chrétiens ont besoin de nous. Nous sommes la porte ouverte pour leur commerce vers le monde musulman. L'Émirat de Grenade a prêté allégeance au roi chrétien Ferdinand il y a plus de deux cents ans. Les Nasrides qui nous dirigent sont leurs alliés. Tu sais bien que le père de notre souverain Mohammed Al Zughbi, que les Espagnols appellent El Chico, avait une épouse chrétienne, Isabel, avec qui il a eu des enfants qui sont donc ses demi-frères et soeur. C'est la vitrine représententive de notre société, ce métissage. Boabdil est bien trop prudent pour affronter des chrétiens qu'il sait plus puissants que lui. Il veut continuer à profiter des richesses de son petit royaume et la Reconquista se désintéresse de ce petit bout de terre.
— Pas sûr, Maître. Vous êtes un bon commerçant, mais un piètre analyste politique. La vérité est autre. Les souverains chrétiens sont ambitieux, surtout la reine, et l'Église est très puissante et animée d'un désir de conversion des populations restant musulmanes ou juives. Notre petit émirat ne survivra pas longtemps.
Karim éclata de rire:
— Es-tu en train de me dire que je viens de faire une mauvaise affaire en rachetant ces terres, même à la moitié de leur valeur? Mais tu aurais du m'en empêcher, en tant que mon conseiller!
— Il y a longtemps que je sais que, lorsque vous êtes décidé, rien ne vous fait changer d'avis.
— Tu as raison, tu me connais bien. Je te le répète: tu n'as pas de souci à te faire. Nous avons fait une excellente affaire. Viens donc, allons rejoindre ma famille et fêter dignement ce succès en buvant cet excellent vin doux produit par nos vignes.
D'un pas décidé, suivi par le jeune homme pensif, il se dirigea vers la ferme où le repas était servi sous les arbres qui commençaient à se dénuder et à roussir à l'approche de l'automne. Isabelle se disait que cela risquait d'être une des dernières escapades de l'année à la campagne. L'hiver qui pouvait se révéler d'un froid mordant, ne tarderait pas.
Ils décidèrent de passer la nuit sur place. Bien vite, les domestiques allumèrent de grands feux dans les cheminées pour réchauffer l'atmosphère qui se refroidissait avec la tombée de la nuit. De grosses couvertures de laine achevaient de leur apporter chaleur et douceur. Karim et Myriam s'installèrent dans la chambre principale. Isabelle, les enfants et Alba se partagèrent avec grand plaisir le grand salon dont le sol recouvert de tapis de laine accueillait les visiteurs d'un soir. Paolo dormait près de la cheminée, sa truffe dans le cou de son maître chéri.
Les enfants adoraient ces soirées de liberté pendant lesquels ils n'étaient pas soumis aux règles de leur palais de Grenade, même si le confort était moindre. Ils écoutaient admiratifs les histoires d'Isabelle et d'Alba, si différentes, mais qui les faisaient rêver et voyager loin de leur monde. Les histoires des deux vieilles dames, ils les connaissaient par coeur, mais ils ne s'en lassaient jamais, surtout que les conteuses les modifiaient au gré de leur imagination.
Sayna et Americ aimaient entendre Isabelle leur raconter les contes persans et arabes de la princesse Shéhérazade qui était une des idoles de Sayna, à tel point qu'elle avait ainsi nommé le petit perroquet que son père lui avait rapporté d'Afrique, et dont elle avait décidé que c'était une femelle. Elle rêvait de vivre des aventures semblables, dans des contrées lointaines, avec de beaux princes qui l'admiraient et la comblaient de cadeaux. Elle se voyait au centre d'une cour flamboyante, où se côtoyaient poètes, chanteurs, troubadours, musiciens, philosophes et scientifiques. Son frère se moquait d'elle et lui rappelait qu'elle n'était qu'une femme et ne pouvait rassembler un tel entourage. Rageuse, elle lui remémorait l'histoire fabuleuse de la Kahina, cette princesse berbère qui avait combattu comme un homme.
— Je te rappelle qu'elle a fini décapitée, renchérissait son frère.
— Elle était infiniment plus courageuse que les guerriers qu'elle menait au combat. Ses ennemis en avaient peur. Et tu oublies Jamila?
— Il y a si longtemps! Ce ne sont peut-être que des histoires!
Sayna était une admiratrice de toutes ces héroïnes de l'Histoire de son pays et de ses ancêtres.
— Ce fut une guerrière formidable qui défendit Mérida avec infiniment de courage et qui n'hésita pas à se sacrifier.
Isabelle leur avait raconté de très nombreuses fois l'histoire romancée de cette princesse fabuleuse qui avait osé accompagner ses frères à la guerre et se rebeller et qui finit par se marier avec un prince chrétien dont elle eut deux fils. Son histoire lui rappelait un peu la sienne, " dans l'autre sens", précisait-elle.
— Nous sommes deux grandes amoureuses qui prouvent que l'amour n'a pas de frontière, poursuivait-elle les yeux dans le vague, bien souvent à la recherche des souvenirs de son amour avec celui qui fut son époux et qu'elle aima tant que jamais elle ne regretta son choix.
Leurs double culture leur donnait également une connaissance des épopées chrétiennes. Sayna pleurait en entendant le récit de la mort d'Aude qui s'effondra au pied de Charlemagne quand il lui annonça la mort de Roland. Elle admirait Bramimonde, la reine de Saragosse, qui se convertit sous l'influence de Charlemagne après l'avoir combattu.
L'histoire qu'elle préférait était cependant extraite des Mille et Une nuits, celle de la princesse aux perles d'eau dont la futilité et la rencontre avec l'amour l'enchantaient.
Americ écoutait ces histoires de princesses fabuleuses avec un petit sourire moqueur aux coin des lèvres, tout en restant attentif en particulier aux petits changements que sa grand-mère apportait souvent à ses récits et qu'il ne manquait pas de lui signifier.
— Ainsi, je contrôle ton attention. Mais tu dois apprendre que rien n'est immuable. Les histoires, les gens changent, la vérité aussi. Cela t'apprend à prendre de la distance et à ne pas tout accepter sans réfléchir.
Alba n'était pas en reste lors de ces soirées de contes et histoires en tout genre. Ses récits étant plus sombres, c'était elle qui achevait habituellement la soirée, juste avant de dormir. Les enfants se perdaient avec elle dans de noires forêts, peuplées d'esprits, ni mauvais, ni bons, qu'il fallait apprivoiser en leur faisant des offrandes, en psalmodiant des paroles étranges qu'ils ne comprenaient pas. Ces entités effrayantes leur promettaient les pires tortures comme les plus doux délices. Il fallait savoir attirer leurs faveurs et ils étaient très capricieux, réclamant toute sorte de choses, des sucreries, des gâteaux, des fleurs, mais parfois aussi des actes bizarres, comme se prosterner devant un arbre, embrasser une plante, parler avec un animal.
— C'est Dame Nature, leur rabâchait Alba. Il faut l'aimer, la respecter, la craindre. Elle est votre principale richesse, votre compagne quotidienne. Vous n'êtes rien sans elle. Tout est esprit!
C'était la raison pour laquelle Alba refusait de manger la chair animal.
— Je ne vais pas manger mon frère, mon ami.
Cette religion animiste qu'elle avait rapportée de son enfance africaine dans la forêt, les enfants en étaient imprégnés et ils l'écoutaient avec respect, tout comme Isabelle qui hochait souvent la tête face à des croyances dont la logique la perturbait dans sa foi monothéiste, chrétienne ou musulmane, puisqu'elle naviguait entre les deux, aboutissant à un syncrétisme singulier et tolérant. Elle mettait cependant Alba et les enfants en garde, leur demandant de ne pas divulguer ces idées interdites par la loi. 
La situation politique et militaire était tendue, les religieux s'accrochaient à leurs privilèges et la tolérance de jadis s'effritait. Les dhimmi étaient de plus en plus surveillés. Certaines conversions étaient imposées, leurs impôts augmentaient, les lieux de culte devenaient l'objet de destruction avec interdiction de reconstruire. Il y avait certes longtemps que les cloches ne sonnaient plus dans la ville et les campagnes environnantes, mais un sévérité accrue rendait la vie des gens du Livre compliquée, bien différente des siècles précédents. Karim en avait averti sa famille, insistant sur la discrétion qu'il demandait à Isabelle et surveillant étroitement Alba qu'il ne pourrait sauver si elle tombait entre les mains de religieux bornés, comme on en voyait de plus en plus. Le sultan Boabdil, en dépit de sa proximité familiale avec des chrétiens, ne réagissait pas face à cette situation nouvelle que Karim jugeait dommageable pour la bonne marche des affaires et de la vie quotidienne.
Cet hiver de 895, 896 de l'Hégire, fut le dernier que la famille passa tranquillement. L'Histoire les rattrapa vite et dramatiquement. C'en fut bientôt fini de l'insouciance.