mardi 26 février 2019

Bonjour à vous !

Chose promise, chose ...due ! Même avec un peu de retard !!!

Des problèmes dont je me passerais bien , mais qui sont là...

Problème de santé qui ne me laissent pas toujours la force d'écrire !

Lutte incessante contre une véritable mafia immobilière en République Dominicaine, face à laquelle je ne céderai pas jusqu'à mon dernier souffle.
Lassée, pour ne pas dire plus, de ces escrocs qui, par leur pseudo situation sociale, par les réseaux qu'ils ont et par la corruption qui gangrène le pays, croient berner les acheteurs que nous sommes en leur vendant un bien aux documents illégaux et en alléguant "qu'après tout, on a pu y vivre jusqu'à présent sans qu'ils ne nous ennuient"!!! Vous avez bien lu, un bien que l'on a acheté et payé, pour lequel on doit les remercier d'avoir pu y vivre... Je cauchemarde !!!
Surtout, ne faites pas confiance aux enseignes internationales : leurs garanties sont fausses, tout comme les assurances dont ils se prévalent (renseignements pris).
En bref, cela s'appelle abus de confiance, escroqueries, bref un vol !!!

Comme promis, pour adoucir les moeurs et mon message,

La suite de SAYNA...

Bonne et agréable lecture !





3

Après ces quelques jours de tranquillité à la campagne, toute la famille retourna en ville. Myriam retrouva avec plaisir sa grande maison, Karim, content de son dernier achat, retourna avec optimisme à ses affaires. Il envisageait, pour l'année qui venait, un voyage qu'il prévoyait assez long au Maghreb où il avait des contacts qu'il voulait renouer. La réflexion de son jeune collaborateur l'avait impressionné plus qu'il ne voulait le reconnaître. Il en avait longuement parlé avec  Myriam qu'il associait discrètement à toutes ses décisions importantes. Son épouse avait un jugement modéré et réfléchi. Par ses relations amicales avec une grande partie de la bonne société grenadine, mais également grâce à sa proximité affectueuse avec les domestiques et les nombreuses oeuvres auxquelles elle participait sous l'influence de sa mère, Myriam écoutait, apprenait et analysait avec une sagesse et un recul qui manquaient parfois à Karim. Élevée officiellement dans la foi musulmane dont elle respectait les principes, mais influencée par sa mère et sa religion métissée, elle avait des amis dans les communautés juive et chrétienne de la ville. Elle rapportait à la maison des rumeurs colportées qui, sans elle, se seraient arrêtées à la porte de leur demeure. Elles étaient une importante source de renseignements pour les activités de Karim et faisaient les délices d'Isabelle, d'Alba et des enfants. Myriam leur reprochait d'en faire des commérages, mais en riait parfois avec eux, surtout quand il s'agissait des aventures sentimentales des uns ou des autres. Ces ragots, ils se gardaient d'en parler avec Karim, en dépit du fait que parfois, cela pût avoir des conséquences économiques, comme certaines séparations ou aventures extra conjugales. Isabelle riait encore en racontant l'histoire de ce riche marchand surpris par sa femme dans le lit d'une voisine et qui avait dû, vêtu d'un drap comme pagne et de ses babouches, s'enfuir dans les rues de la médina au matin levant. Le mari de sa maîtresse étant un puissant conseiller du sultan, le commerçant fut obligé de partir. Son histoire fut racontée à Karim qui profita aussitôt de l'aubaine pour racheter à bas coût son affaire. Il aimait répéter qu'il n'y avait pas de morale dans les affaires, sinon il n'y avait ni affaire, ni profit possibles. Ce froid calcul choquait sa belle-mère qui affirmait que son époux défunt ne pensait pas ainsi. Ce à quoi son gendre répondait que c'était bien pour cela qu'il avait trouvé les finances familiales en si piteux état. Isabelle grommelait qu'un minimum de décence s'imposait et Myriam essayait d'éviter ces conflits dans lesquels elle refusait de prendre parti, connaissant la position et les arguments de chacun des interlocuteurs.
Ces disputes ne prenaient jamais de proportions inquiétantes, Isabelle étant reconnaissante à son gendre d'avoir rétabli la situation économique de la famille et de lui offrir la vie agréable dont elle profitait et Karim se reprochant parfois son immoralité professionnelle qu'il compensait en aidant nombre de ses collaborateurs et leurs familles, sans cependant s'en vanter.
La fin d'année chrétienne approchait. On serait bientôt en 1491 et la ville souffrait d'un hiver froid et surtout du siège mis en place par les souverains espagnols, Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon qui s'étaient mariés afin de consolider leur alliance et leurs armées. Le siège qui durait depuis plusieurs années se resserrait, sous la pression de la noblesse espagnole. Tout en étant vassale des rois chrétiens, Grenade conservait son indépendance, que certains estimaient alors menacée. Les rumeurs les plus folles circulaient dans la ville et la grande maison n'en était pas exemptée.
En dépit des conditions difficiles, Isabelle voulait fêter Noël comme elle l'avait toujours fait, "Depuis sa naissance", précisait-elle. Jamais, son époux ne l'en avait empêchée, elle y avait habitué sa fille et ses petits-enfants. Elle précisa à son gendre dès son mariage avec Myriam que Jésus était un prophète du Coran, Aïssa, appelé aussi Sidna, et que célébrer sa naissance était un acte de foi pour tous. Il y avait de nombreux chrétiens dans la ville et les habitants étaient habitués aux célébrations de Noël, de Pâques, comme de Yum Kippur, de l'Achoura, ou du sacrifice du mouton, fêtes qui faisaient toutes référence à des prophètes des trois monothéismes. Isabelle faisait le Carême comme le Ramadan et elle aimait bien quand des amies juives l'invitaient à célébrer la Pâque dont elle disait adorer les galettes cuites sans levain.
Malgré l'ambiance politique incertaine et le froid piquant de décembre, Isabelle fit préparer un repas de fête auquel elle convia les préférées de ses connaissances, offrant des saveurs aussi variées que colorées avec de délicieuses salades aux olives et cumin, des carottes à la fleur d'oranger, des poulets en sauce relevée au safran, de délicieuses pâtisseries à la pâte d'amande, au miel et à la cannelle. Elle leur offrait des boissons parfumées à l'eau de rose et si, malgré la demande d'Americ, elle évita le jambon de sanglier qu'il appréciait tant, respectant l'interdiction de consommation de porc dans les religion musulmane et juive, de délicieuses liqueurs et vins sucrés, issus des cépages des terres familiales, étaient offerts et appréciés par les convives. Les invités étaient réunis dans le salon d'apparat où une grande cheminée et de nombreux braseros réchauffaient l'atmosphère. Les discussions allaient bon train, les convives parlaient fort, riaient, mangeaient, oubliant la rigueur de l'hiver et les difficultés de la ville. Ce soir, d'où qu'ils viennent, ils voulaient oublier leurs problèmes, leurs différences et ne pas trop penser à leur avenir incertain.
Sayna et Americ aimaient ces soirées où ils goûtaient une liberté qu'ils n'avaient pas dans leur vie quotidienne. Leurs parents ne les laissaient pas sortir seuls, ils devaient toujours être accompagnés de serviteurs qui les protégeaient contre les violences qui se multipliaient en ville. Karim craignait que leur aspect d'enfants riches n'attise les convoitises. Ce n'est qu'à l'abri des hauts murs de leur grande maison, qu'ils étaient "libres" d'aller et venir, de parler sans se méfier, de jouer. 
Sayna remarqua une famille qu'elle ne connaissait pas, une mère à la beauté éblouissante, avec ses cheveux roux flamboyants, ses yeux verts et son teint de porcelaine, accompagnée de trois enfants qui devaient être les siens, une petite fille qui lui ressemblait et deux garçons bruns à la peau mate. L'un semblait avoir une dizaine d'années et le plus grand regardait avec un air inquiet l'assemblée de ses yeux étranges, car vairons. Il ne semblait connaître personne. Sayna donna un grand coup de coude à son frère qui rétorqua en lui tirant les cheveux dans un premier temps, une sorte de code habituel entre eux, avant de lui demander:
— Tu veux quoi?
— Regarde cette famille, au coin de la cheminée. Tu connais?
— Wouah! La femme est très belle, mais non, je ne sais pas qui ils sont. C'est grand-mère qui a du les inviter ou nos parents. Je vais me renseigner. Je suis aussi curieux que toi. Il est bizarre, le garçon, tu ne trouves pas?
— Tu n'as pas remarqué qu'il a les yeux de couleurs différente!
— Ah, oui! Pas facile de passer inaperçu avec ce truc-là.
Americ la quitta aussitôt, à la recherche de renseignements pour satisfaire leur curiosité. Il s'adressa tout d'abord à d'autres enfants et adolescents amis. Personne ne semblait les connaître. Il poursuivit son enquête en interrogeant les nombreux serviteurs qui circulaient entre les invités, leur offrant nourriture et boissons. Ils étaient occupés et pressés et se contentèrent de secouer la tête pour signifier leur ignorance. Finalement, il décida de demander à Alba. Si une personne devait être au courant, c'était bien elle. Elle contrôlait la bonne avancée de la soirée, se déplaçant entre la cuisine où elle surveillait la cuisson des plats et le salon où elle s'assurait de la bonne marche du service. Elle cessa ses va-et-vient quelques secondes et regarda Americ en souriant:
— Te voilà bien curieux! Elle est très belle, la dame, n'est-ce-pas?
— Oui, et son fils est bizarre.
— Ah, oui! Son regard… On dit que ce sont les gens qui ont vu le diable qui ont des yeux comme ça.
— Tu crois à cette légende?
Alba réfléchit quelques secondes.
— Je ne sais pas. J'ai connu peu de gens avec ce regard étrange. Cet enfant, je pense qu'il n'a peut-être pas vu le diable, mais certainement vécu des choses difficiles. Il a l'air d'un animal inquiet.
— Sais-tu d'où ils viennent? Qui les a invités?
— Demande à ta grand-mère. je pense que c'est elle qui les a invités. Il me semble qu'ils vont loger dans la maison quelques jours. Ton père m'a demandé de leur préparer une chambre pour eux quatre.
— Tu es sûre que tu n'en sais pas plus, Alba? Jure-le moi, comme tu sais le faire, sur les rivières et les arbres!
— Me faire jurer sur les divinités païennes le jour de Noël! Tu veux que j'aille en enfer?
Americ pinça les lèvres: il savait qu'Alba se fichait complètement de Noël et de l'enfer. Elle ne voulait pas lui répondre et devait savoir des choses qu'elle ne voulait pas lui dévoiler. Son imagination débridée s'enflamma aussitôt, imaginant des complots sordides, des aventuriers arrivés du bout du monde, des espions au service de l'ennemi. Alba, comme toujours, lisait en lui:
— Arrête de te raconter n'importe quoi. Demande donc à ta grand-mère ou à tes parents si tu veux connaître leur histoire. Je te laisse, j'ai du travail.
Elle tourna les talons et le planta avec ses questionnements. Il ne voulait pas revenir bredouille d'informations auprès de sa soeur qui se moquerait de lui à coup sûr et qui, peut-être, pire encore, avait appris des choses de son côté. Il hésitait sur l'attitude à adopter. À qui demander? Sa grand-mère semblait la plus abordable, mais en la cherchant dans l'assemblée, il la vit en grande conversation avec deux de ses meilleures amies. Elle ne lui répondrait pas, du moins pas de suite devant d'autres personnes. Sa mère était affairée pour assurer la bonne marche de la soirée. Quant à son père, qu'il craignait un peu, il était occupé à discuter avec Abraham et deux hommes qu'il ne connaissait pas. Inutile d'espérer un quelconque renseignement de ce côté. Le mieux n'était-il pas, finalement, de s'adresser directement au garçon qui suscitait leur curiosité. Il était un peu plus âgé que lui, l'âge de Sayna, peut-être davantage. Après tout, il était le fils de leurs hôtes et il pouvait, sans paraître trop curieux, lui parler, s'enquérir de ses désirs et occupations. Surtout si, comme l'avait indiqué Alba, toujours très bien renseignée, il allait séjourner à la maison. Ils seraient donc appelés à se revoir. Autant prendre les devants.
Décidé, il s'approcha de la jolie rousse et de ses enfants qu'il découvrit en pleine conversation avec Sayna. Ils discutaient à bâtons rompus et riaient comme s'ils se connaissaient depuis toujours. Il se sentit tout bête et furieux à la fois, contre sa soeur qui l'avait devancé. Il avança vers eux et s'immisça naturellement dans le groupe. Sayna se tourna vers lui:
— Voilà, Americ, mon petit frère.
Elle le faisait exprès, pour le vexer, en le nommant mon "petit" frère. Elle adoucit son accueil volontairement moqueur en le prenant par les épaules affectueusement. Americ lui sourit. Malgré tout, il l'aimait beaucoup, sa grande soeur!
— Americ, voici Maria, précisa-t-elle en indiquant la belle femme rousse.
Comme il voyait faire parfois son père avec des étrangères, Americ s'inclina galamment. La jeune femme lui répondit avec un sourire chaleureux.
— Bonsoir, Americ. Tu as l'air aussi charmant que ta soeur, et bien sûr, ta grand-mère et tes parents.
— Donc, elle connait toute la famille, pensa le jeune garçon. Il n'y a que nous à ne pas être au courant. À nous traiter toujours comme des enfants irresponsables, c'est pénible.
Il cacha cependant son amertume derrière un sourire qu'il savait rendre ensorcelant. Il était depuis quelque temps conscient de son pouvoir de séduction avec ses yeux bleus-gris changeants et ses cheveux bruns ondulés. Sayna reprit la parole. Elle semblait avoir déjà fait connaissance avec toute la famille.
— Voici Sofia, précisa-t-elle en désignant la petite fille qui ressemblait tant à sa mère, Thoren et Sylla sont ses deux grands frères. Ils arrivent du nord.
Thoren était vraisemblablement l'étrange garçon aux yeux vairons et Sylla, son petit frère. Quels étranges prénoms! Ils venaient du nord, ce qui signifiait quoi? Du nord de l'Espagne, ou de plus loin encore? En discutant avec les deux garçons, il apprendrait peut-être plus de choses, autant le savoir puisqu'ils allaient rester chez eux quelques temps. Ils parlaient l'arabe, comme lui, mais avec un léger accent étranger. Americ opta pour une question directe. La diplomatie n'était pas son fort, sa soeur le lui reprochait assez souvent.
— Tu viens d'où? demanda-t-il au plus âgé.
Thoren le fixa de ses yeux vert et marron, avec un doux sourire.
— De loin.
Comme réponse, Americ était renseigné! Se moquait-il de lui? Le jeune homme semblait hésitant. 
— Alba a peut-être raison, pensa Americ. Il a dû en voir et en vivre des choses pas faciles. Son sourire est presque douloureux.
— Tu vas rester quelques jours avec nous. On va pouvoir jouer. Je te présenterai mes amis et te ferai visiter la ville…si tu veux, ajouta-t-il.
— Je veux bien, répondit Thoren. Nous avons fait un long voyage éprouvant. J'espère que ma mère pourra se reposer avant que nous ne repartions.
La question brûla les lèvres d'Americ:
— Pour où?
Mais le regard de Sayna le fit taire. Il satisferait sa curiosité à un autre moment. Ce soir, c'était fête. Autant en profiter. Ces invités inattendus avaient souffert, ils avaient besoin de chaleur et non de curiosité. Ils n'avaient pas à subir un interrogatoire de sa part. Thoren parlerait quand il le souhaiterait. Americ comptait interroger Sayna car elle savait peut-être déjà des choses intéressantes!
Maria et ses enfants semblaient apprécier l'ambiance amicale de la soirée et la joie des convives. Toujours regroupés, ne s'éloignant pas les uns des autres, se cherchant du regard dès qu'ils se perdaient de vue, ils détendirent peu à peu. Les enfants mangeaient avec un tel appétit qu'il semblait qu'ils n'avaient pas mangé suffisamment  depuis quelque temps. Parfois, leur mère les modérait. Mais ils appréciaient avec un réel bonheur les plats et les pâtisseries qu'Alba leur présentait avec insistance.  Americ était certain que l'attitude d'Alba n'était pas involontaire et qu'elle en savait certainement plus qu'elle ne le prétendait.
Demain serait un autre jour et Americ se mettrait en chasse de renseignements pour satisfaire sa curiosité. Ces mystérieux étrangers l'intriguaient!