vendredi 20 novembre 2015

LES ERRANTS

LES ERRANTS


L’humanité s’est toujours déplacée. En dépit de ce que résume trop brièvement

l’Histoire, ses déplacements , à l’échelle du temps humain, sont lents. Il n’y a guère de

véritables invasions, si l’on excepte les guerres et batailles ponctuelles.

Les déplacements de populations, plus ou moins volontaires, sont généralement

liés à la surpopulation d’une région qui ne peut plus nourrir ses habitants. C’est le cas de

la colonisation grecque du bassin méditerranéen.

 Les arrivées des Germains dans l’empire romain se font sur un temps assez long

et sont liées à la pression des peuples asiatiques que de mauvaises récoltes et la faim

poussent sur les routes vers l’Occident où les richesses du monde romain les attirent.

Les contacts entre ces peuples aux civilisations différentes se sont étalées dans le

temps et ce n’est que leur éloignement temporel qui nous fait dire maintenant qu’il y eut

mixité de peuples et de civilisations et nous permet de parler de mondes gréco-romain

ou gallo-romain.

            Certaines conquêtes d’essence religieuse se sont faites en apparence rapidement.

C’est le cas de la conquête musulmane.

Mais revenons à des dates plus précises.

À la mort du prophète Mohamed en 632, militairement l’Islam a fait la conquête

de la plus grande partie de la péninsule arabique qui est quasi désertique et peuplée de

tribus nomades désunies et éparpillées.

            Les Omeyades donnent sa plus grande dimension à l’empire musulman en faisant

la conquête de l’Orient perse, de l’Afrique du Nord et de l’Espagne, conquête qui

s’achève au milieu du VIIIème siècle, donc plus de cent ans après la formation du

premier territoire musulman. Malgré des méthodes militaires et religieuses efficaces et

l’incorporation des nouveaux conquis à l’armée existante, comme le faisaient déjà les

Romains, on sait que cette conquête n’a pas été une belle ballade tranquille. Les batailles

sanglantes ont fait de nombreuses victimes, la conversion à l’Islam s’est faite

difficilement. La Kahina, princesse berbère célèbre, s’est opposée militairement à

l’islamisation de la Berbérie et a préféré se donner la mort que se convertir. Les Gens du

Livre, Juifs et Chrétiens,  protégés par le Coran, sont restés nombreux dans l’empire

Musulman, qu’il soit arabe ou turc.

            L’occupation de l’Amérique s’est étalée sur plusieurs siècles. Les conquêtes

rapides des conquistadores ne sont que des batailles gagnées mais la colonisation et

l’occupation accompagnées de l’évangélisation des populations amérindiennes  se font

sur des siècles. On peut se demander dans quelle mesure ce mouvement est vraiment

achevé !

            Le melting-pot nord américain, pourtant vieux de plusieurs générations n’est

souvent qu’une juxtaposition de modes de vie différents, souvent cantonnés dans des

 quartiers particuliers, conservant leur us, coutumes et cuisines… et dont les membres

restent souvent entre eux. On commence à peine à voir émerger une certaine mixité ,

surtout dans les classes plus favorisées.

            L’homme a besoin de temps pour s’acculturer, s’insérer dans un monde et une

civilisation étrangers. Les raccourcis de l’Histoire ne doivent pas nous tromper.

L’homme reste l’étranger errant pendant plusieurs générations. Sans racines, sans

repères, il est la proie facile de mouvements extrémistes politiques ou religieux.

 Le nihilisme politique révolutionnaire russe de la fin du XIXème siècle prônait le

terrorisme politique et attirait une jeunesse en mal de spiritualité et de liberté.

La » propagande par le fait » des anarchistes du XIX encourage également le

sabotage, le terrorisme et la guérilla et intéresse une jeunesse révolutionnaire dont le

 but revendiqué de révolution politique autorise toute forme d’action violente.

            La violence gratuite est la forme d’expression de ces errants déboussolés qui ne

savent pas exprimer autrement leur mal-être. C’est le terreau de toutes les sectes qui

promettent tout, tout de suite à des esprits mal formés, déformés par le bourrage de

crâne d’idées simplistes, qu’on a mâchées pour eux.

            On en fait des kamikazes, des assassins, prêts à gober toutes les paroles de

gourous dont le but est la soif de pouvoir et de richesses. Ces sicarios, cette chair à

canon, malléables et tuables à merci, sont envoyés pour semer la terreur dans un monde

qui leur reste étranger et dans lequel ils n’ont pas su ou pu s’insérer. Les promesses

ubuesques d’un monde meilleur, de miel et de fraîcheur…., les attirent aussi sûrement


que la lumière attire le papillon de nuit qui meurt quand le soleil se lève.

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