LES ERRANTS
L’humanité s’est toujours
déplacée. En dépit de ce que résume trop brièvement
l’Histoire, ses déplacements , à l’échelle du temps humain,
sont lents. Il n’y a guère de
véritables invasions, si l’on excepte les guerres et
batailles ponctuelles.
Les déplacements de populations,
plus ou moins volontaires, sont généralement
liés à la surpopulation d’une région qui ne peut plus
nourrir ses habitants. C’est le cas de
la colonisation grecque du bassin méditerranéen.
Les arrivées des Germains dans l’empire romain
se font sur un temps assez long
et sont liées à la pression des peuples asiatiques que de
mauvaises récoltes et la faim
poussent sur les routes vers l’Occident où les richesses du
monde romain les attirent.
Les contacts entre ces peuples
aux civilisations différentes se sont étalées dans le
temps et ce n’est que leur éloignement temporel qui nous
fait dire maintenant qu’il y eut
mixité de peuples et de civilisations et nous permet de
parler de mondes gréco-romain
ou gallo-romain.
Certaines
conquêtes d’essence religieuse se sont faites en apparence rapidement.
C’est le cas de la conquête musulmane.
Mais revenons à des dates plus
précises.
À la mort du prophète Mohamed en
632, militairement l’Islam a fait la conquête
de la plus grande partie de la péninsule arabique qui est quasi
désertique et peuplée de
tribus nomades désunies et éparpillées.
Les
Omeyades donnent sa plus grande dimension à l’empire musulman en faisant
la conquête de l’Orient perse, de l’Afrique du Nord et de
l’Espagne, conquête qui
s’achève au milieu du VIIIème siècle, donc plus de cent ans
après la formation du
premier territoire musulman. Malgré des méthodes militaires
et religieuses efficaces et
l’incorporation des nouveaux conquis à l’armée existante,
comme le faisaient déjà les
Romains, on sait que cette conquête n’a pas été une belle
ballade tranquille. Les batailles
sanglantes ont fait de nombreuses victimes, la conversion à
l’Islam s’est faite
difficilement. La Kahina, princesse berbère célèbre, s’est
opposée militairement à
l’islamisation de la Berbérie et a préféré se donner la mort
que se convertir. Les Gens du
Livre, Juifs et Chrétiens,
protégés par le Coran, sont restés nombreux dans l’empire
Musulman, qu’il soit arabe ou turc.
L’occupation
de l’Amérique s’est étalée sur plusieurs siècles. Les conquêtes
rapides des conquistadores ne sont que des batailles gagnées
mais la colonisation et
l’occupation accompagnées de l’évangélisation des
populations amérindiennes se font
sur des siècles. On peut se demander dans quelle mesure ce
mouvement est vraiment
achevé !
Le
melting-pot nord américain, pourtant vieux de plusieurs générations n’est
souvent qu’une juxtaposition de modes de vie différents,
souvent cantonnés dans des
quartiers
particuliers, conservant leur us, coutumes et cuisines… et dont les membres
restent souvent entre eux. On commence à peine à voir
émerger une certaine mixité ,
surtout dans les classes plus favorisées.
L’homme a
besoin de temps pour s’acculturer, s’insérer dans un monde et une
civilisation étrangers. Les raccourcis de l’Histoire ne doivent
pas nous tromper.
L’homme reste l’étranger errant pendant plusieurs
générations. Sans racines, sans
repères, il est la proie facile de mouvements extrémistes
politiques ou religieux.
Le nihilisme politique révolutionnaire russe
de la fin du XIXème siècle prônait le
terrorisme politique et attirait une jeunesse en mal de
spiritualité et de liberté.
La » propagande par le fait »
des anarchistes du XIX encourage également le
sabotage, le terrorisme et la guérilla et intéresse une
jeunesse révolutionnaire dont le
but revendiqué de
révolution politique autorise toute forme d’action violente.
La violence
gratuite est la forme d’expression de ces errants déboussolés qui ne
savent pas exprimer autrement leur mal-être. C’est le
terreau de toutes les sectes qui
promettent tout, tout de suite à des esprits mal formés,
déformés par le bourrage de
crâne d’idées simplistes, qu’on a mâchées pour eux.
On en fait
des kamikazes, des assassins, prêts à gober toutes les paroles de
gourous dont le but est la soif de pouvoir et de richesses.
Ces sicarios, cette chair à
canon, malléables et tuables à merci, sont envoyés pour
semer la terreur dans un monde
qui leur reste étranger et dans lequel ils n’ont pas su ou
pu s’insérer. Les promesses
ubuesques d’un monde meilleur, de miel et de fraîcheur….,
les attirent aussi sûrement
que la lumière attire le papillon de nuit qui meurt quand le
soleil se lève.