Raymonde est partie, emportée par le coronavirus ou par l'eugénisme des médecins de l'hôpital qui ont décidé qu'ils avaient besoin de lit et qui ont préféré arrêter les soins sans m'en avertir et malgré ma volonté de lui procurer une hospitalisation à domicile.
Mais dans notre société mercantiliste, on pèse, on évalue les gens en fonction de ce qu'ils apportent au monde.
À moi, ma soeur, même si je n'en étais pas vraiment consciente, ma petite soeur m'apportait beaucoup, son innocence, son air de petite souris et surtout son sourire, qui restera pour toujours devant moi !
Je ne crois pas en Dieu, mais puisses-tu, ma grande, trouver paix et amour auprès de tous ceux qui t'ont aimée et t'ont précédée.
Je ne râlerai plus après toi, mais qu'est-ce que tu me manques ! Tiens, je n'ai pas encore rangé le désordre que tu m'as laissé...
MA PETITE GRANDE SŒUR
Mais dans notre société mercantiliste, on pèse, on évalue les gens en fonction de ce qu'ils apportent au monde.
À moi, ma soeur, même si je n'en étais pas vraiment consciente, ma petite soeur m'apportait beaucoup, son innocence, son air de petite souris et surtout son sourire, qui restera pour toujours devant moi !
Je ne crois pas en Dieu, mais puisses-tu, ma grande, trouver paix et amour auprès de tous ceux qui t'ont aimée et t'ont précédée.
Je ne râlerai plus après toi, mais qu'est-ce que tu me manques ! Tiens, je n'ai pas encore rangé le désordre que tu m'as laissé...
MA PETITE GRANDE SŒUR
Il y a longtemps que je voulais écrire ce petit texte, pour
expliquer ? pour me déculpabiliser ? Je ne sais pas…Je crois
simplement pour prouver une affection que je ne sais pas exprimer dans la vie
quotidienne.
Pourquoi ce titre ? Ceux qui me connaissent bien le
comprendront, mais je veux tout de même l’expliquer. Il est vrai que ma sœur
est plus petite , de taille, que moi…ou c’est moi qui suis , je crois , grande
par rapport à la moyenne féminine. Mais ce n’est pas pour ça que je l’appelle
ma petite sœur : c’est dans sa tête que ma sœur est restée petite, plus
exactement, jeune, une enfant, en fait. Elle est nettement plus âgée que moi.
Il arrive même qu’on la prenne pour ma mère. Mais malgré nos 14 ans de
différence, on m’a toujours expliqué, mais peut-être pas avec les bons mots,
que ma sœur, disait-on il y a quelques années, sans mal y penser,était
« anormale »…Petite, je ne comprenais pas vraiment. Au contraire,
c’était bien ! Elle était gentille avec moi, patiente, m’écoutait, était
toujours d’accord pour jouer avec moi, pour faire les corvées que je ne voulais
pas faire. Et quand j’y pense, j’en ai certainement abusé. J’étais capable de
lui raconter n’importe quoi, de lui faire faire ce que nos parents refusaient.
La seule chose que je n’ai jamais réussi, c’est la faire aller dans l’eau. Je
me rappelle d’une crise qu’elle eut alors que j’essayais de la traîner dans la
mer, avec de l’eau à peine aux genoux. J’avais une dizaine d’années, ce jour-là
m’a marquée. Je me suis dit qu’il y avait un réel problème.
Ma sœur a toujours vécu avec mes parents. Une fois, j’avais
alors 14 ans, un monsieur qu’elle avait connu en vacances en France et avec qui
elle correspondait, a voulu l’épouser. Je me souviens de sa nervosité dans
l’attente de la réponse de mes parents qui finalement refusèrent. Maman avait
tellement peur qu’on se moque d’elle, qu’on abuse d’elle….comme je le fais
actuellement, alors que je critiquais mes parents dans leur attitude
surprotectrice. Ma sœur a beaucoup pleuré à la suite de ce refus et, à cette
occasion, elle m’a fait une réflexion qui m’a marquée .
« Je sais que je ne suis pas comme les autres « .
Je n’ai pas répondu, j’ai essayé de convaincre mes parents qui
sont restés inflexibles. Ont-ils eu raison ? tort ? Je ne me
prononcerai pas. Maintenant que ma sœur vit avec moi, j’avoue que je crois que
j’aurais la même attitude, le même refus, de peur qu’on abuse d’elle…Et
pourtant, c’était peut-être un brave garçon ! Je ne sais pas si ce fut un
tort d’empêcher ma soeur de mener une vie normale , tout comme je ne sais pas
si, actuellement, ma sœur se
souvient de cet épisode de sa vie qui aurait bouleversé son quotidien. Elle
n’en parle jamais. En vivant et en m’occupant d’elle au quotidien, je pense
que, de façon globale, ma sœur est heureuse, à partir du moment où elle n’est
pas seule, où elle sort. Elle adore aller au restaurant, chez des amis, se
promener, s’habiller. Les évènements semblent l’atteindre momentanément, puis
« glisser ». Elle traverse la vie, profitant des moments,ne se
projetant pas, ne faisant que ce qu’elle veut, toujours gentille et avec le
sourire, mais têtue et finissant par obtenir ce qu’elle veut , et surtout ce
qu’elle ne veut pas, »à l’usure ».
J’ai eu très peur pour elle lors du décès de notre grand-mère
qui s’était beaucoup occupée d’elle. Elle a eu du chagrin, a pleuré et puis
c’est tout.
Je pensais qu’elle ne surmonterait pas le décès brutal et
précoce de maman qui ne l’avait jamais quittée. Alors que j’ai encore du mal à
surmonter cette disparition, ma sœur s’est glissée dans sa nouvelle vie, seule
avec papa, avec même, et cela m’a presque choquée, une certaine libération. Il
n’y avait plus personne qui la dirigeait dans la maison, qui l’obligeait à
faire ceci ou cela, qu’elle n’aimait pas faire, comme le repassage !…Elle
découvrait la liberté avec papa, beaucoup moins exigeant pour la maison, la
laissant faire les courses,
promener son chien et surtout, discuter avec les voisines…son occupation
favorite que maman, et moi maintenant,
lui interdisons….toujours avec cette peur qu’on se moque d’elle ou
qu’elle dérange.
Parfois, papa « explosait »…et nous, mes enfants et
moi-même, lui disions qu’il exagérait. Il m’a une seule fois dit :
« Je sais que vous critiquez mon attitude avec ta sœur,
mais vous ne savez pas ce qu’est la vie au quotidien ».
Un jour queje demandais à ma sœur une tâche ménagère qu’elle
n’aimait pas faire, elle m’a répondu qu’elle était chez elle et faisait ce
qu’elle voulait. J’étais sidérée…mais elle avait raison !
Papa est décédé récemment et sa disparition qui fut dramatique
pour moi, est passée pour ma sœur comme les décès précédents. De la peine, elle
me rappelle leurs dates de fête et d’anniversaire et voilà. J’en parle avec
elle, « Tu te souviens ? », oui elle se remémore les bons
moments mais pas plus. Elle vit le présent. Je l’ai entendue dire à des amis
« Moi, je reste avec ma sœur »
C’est pour elle une évidence incontestable, pour moi
aussi…même si parfois, je craque comme quand j’étais adolescente et que ma mère
m ‘imposait ma sœur quand je sortais…Imaginez…Finalement, j’étais très
contente d’être à l’université en France alors que mes parents vivaient au
Maroc, même si j’ai souvent pleuré toute seule…
Très récemment, un de mes fils est resté quelque temps à la
maison. Il m’a dit, et je l’ai compris ;
« On critiquait papie, mais c’est une médaille qu’il
aurait fallu lui donner pour supporter tatie(ma sœur) »
Et oui, ma sœur est différente, mais elle est vulnérable,
sensible, parfois bizarre dans certaines attitudes, comme collectionner les
kleenex, les élastiques, des tas de petites choses qui pour nous ne servent à
rien. Peut-être, cela a-t-il un sens pour elle ? Elle adore ramasser les
fleurs…même les roses de mon jardin que j’ai tant de mal à faire pousser ici et
elle me les offre, elle
collectionne les coquillages qu’elle distribue avec beaucoup de gentillesse
autour d’elle, elle ne peut s’empêcher au restaurant de proposer de goûter son
plat…etc
Rien de méchant,
juste une notion du temps , des obligations, du bonheur qui ne sont pas les
nôtres, qui me font la bousculer dans notre vie stressée et calculée, qui me
font râler et certainement la peinent, puis me font culpabiliser. En fait, elle
ignore le mal, et quand elle fait quelque chose que notre norme ne tolère pas,
c’est juste par envie, sans chercher à comprendre davantage. C’est plus
pratique, plus simple, cela lui plaît, c’est tout ! sans chercher à
ennuyer les autres ni à faire du mal, souvent même pour faire plaisir…
Actuellement, ma sœur est chez ma tante en France, pour me
soulager après une longue maladie… C’est vrai que je suis « plus
libre »….mais elle me manque, ma petite grande sœur…
Même si je le montre très mal et suis maladroite, je t’aime,
ma grande sœur ! Et je m’inquiète beaucoup pour toi !