vendredi 16 février 2018

Le handicap au quotidien !

Il y a des jours où on explose ! C'en est un...

Je vais sans doute en choquer beaucoup, mais cela m'importe peu.
Avant de juger ou critiquer, il faut vivre les faits, au quotidien, année après année, pour les comprendre. Peu m'importent les critiques !

Le sujet que je veux aborder est le handicap, mental plus précisément. Je pense que le handicap physique pose également son lot de problèmes, même s'ils sont différents.

Je vais égoïstement parler de ma situation, n'en déplaise à ceux qui m'accuseront d'égoïsme et d'égocentrisme et de toutes sortes de défauts.

Je vis depuis ma naissance il y a 63 ans avec une soeur de 14 ans plus âgée que moi, handicapée mentale. C'est à dire qu'elle a les réactions, l'attitude, la réflexion d'un enfant de qq années (difficile à déterminer...même médicalement). Elle parle, lit (comprend-elle? Je l'ignore, des lectures simples, certainement) à force des batailles que maman a pu mener pour lui apprendre le maximum de choses, ce qui a donné lieu à de nombreux affrontements entre elles. Maman disait que c'était sa croix. Elle a tout tenté, pèlerinages, moussems (pour ceux qui connaissent), magnétiseurs, fqihs, psychiatres, rééducation fonctionnelle...

Son grand souci était de disparaître avant ma soeur, ce qui était dans la logique des choses, tout comme papa. Je leur ai toujours promis de m'en occuper, ce que je fait 24h/24 depuis 7 ans et la disparition de papa.

Mais se rend-on compte de ce que c'est de vivre avec une soeur handicapée dont on vous répète à longueur de temps que vous devez vous en occuper "parce qu'elle n'est pas comme les autres"?
Vous imaginez-vous ce que représente le fait, quand vous êtes adolescente, 14 ou 15 ans, et qu'on vous oblige à chaque fois que vous sortez de prendre avec vous votre soeur, de 14 ans plus âgée, et handicapée, donc un tant soit peu "bizarre"? Que vous alliez à la plage, au cinéma, vous balader avec des copines et copains? Conclusion, j'évitais de sortir!
Je comprends, à postériori, ma joie de partir à 16 ans faire mes études en France (j'habitais le Maroc) et cette sensation de liberté, de respirer! Je n'accuse personne , ni mes parents, inconscients de ce que cela représentait pour une ado, ni ma soeur, totalement inconsciente de cet état de fait.

`Et maintenant? Ma soeur est âgée de 77 ans, a les pb de son âge auxquels s'ajoutent les pb aggravés de son handicap. Nombreuses sont les personnes qui s'étaient proposées de m'aider, mais il en reste peu. Certains ont essayé, mais c'est très dur au quotidien !

Tout gérer, tout prévoir... Les médicaments, la toilette. ..
Un pb des plus importants, la nourriture! Limiter la nourriture à quelqu'un qu'on aime, c'est très difficile.
Exemple, nous avons été passé il y a deux ans, quelque temps à Marrakech. Difficile chez des amis, au restaurant, de limiter la nourriture pour ma soeur qui, fine mouche, profite de la présence d'autres personnes pour manger à n'en plus pouvoir. Conclusion, un tel abus de nourriture a abouti (confirmation des médecins) à un AVC...un 31 décembre à Marrakech! Pas simple à régler. Je remercie encore la vieille infirmière de la clinique qui m'a consolée et surtout expliqué que ma soeur abusait, qu'elle mangeait seule quand je n'étais pas là et m'obligeait à la nourrir lors de mes visites !

Je ne parle pas de notre quotidien, il faut tout prévoir, une sortie, un voyage, ne jamais la laisser seule, faire attention à ce qu'elle ne se perde pas, essayer de lui faire comprendre la pudeur (qu'elle oublie parfois), la laver, préparer ses repas même quand on est fatigué, supporter ses réflexions et son mauvais caractère...car on peut être handicapée mentale et exigeante !
Ne jamais pouvoir être seuls, toujours s'occuper d'elle... sans espoir de progrès, sinon, je m'en rends compte, le constat d'une détérioration certaine!

C'est, je n'en doute pas, très égoïste, mais c'est ma réalité quotidienne. Et j'ai de la chance que mon mari l'accepte!!!

Les conseils de patience m'ont été donnés de multiples fois...Les conseils sont toujours faciles! J'ai répondu que j'ai épuisé mon capitale-patience.

Je tremble de laisser ce problème à mes enfants.

Il y a bien sûr la possibilité de la famille d'accueil ou de la maison de retraite. Mais désolée, se pose le problème financier et les aides ne sont pas si aisées à obtenir. Je ne suis certainement pas très douée pour quémander.
Sans parler de l'aspect affectif, culpabilisant par rapport à mes parents de "l'abandonner"!

Je ne demande ni aide, ni conseil.
Écrire m'a fait du bien.

Certes, je ne suis ni soeur Emmanuelle, ni mère Thérésa, mais je demande aux parents qui, au nom de la foi ou de la bonté, acceptent sciemment la naissance d'un enfant handicapé de bien réfléchir au fait qu'ils ne sont pas immortels et qu'ils chargent leur entourage de problèmes difficiles à surmonter et perturbant la vie des plus proches...

Peu importe ce que penseront certains de cette publication. Je parle d'une expérience vécue au quotidien depuis des dizaines d'années et qui peut ne pas paraître charitable ! Mais il est si facile de juger de loin...

Fatiguée !!!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire