samedi 6 février 2016





Mon petit ange,


Je pense souvent à toi, le petit ange parti si brusquement et beaucoup trop tôt, avant même d'avoir commencé à essayer de vivre !

A priori, tu n'es ni mon enfant, ni ma petite-fille, juste le bébé de ma jeune voisine, que j'ai vu naître et surtout sourire depuis sa naissance.

Je t'ai vue grandir dans le ventre de ta maman, dont j'osais parfois effleurer le ventre, comme on le fait si souvent, je le faisais timidement, tant ce geste me paraît intime. Mais ta maman, si menue, si douce, était si fière de son ventre arrondi.

Quand tu es née, j'étais très contente de t'offrir un petit pyjama et quelques chemisettes. Je n'oubliais pas une petite voiture pour ton grand frère, jaloux de ta nouvelle présence.

Depuis ta naissance, je ne t'entendais jamais pleurer, c'est pour cela que je disais à ta maman que tu étais un ange. Je t'appelais “Mi angelita” !


Et puis, avec ta maman et ses deux enfants, même si nous n'étions pas souvent là, on s'est un peu mieux connu. Les relations de voisinage sont souvent les plus durables. Je l'ai invitée à venir passer quelques jours à la maison. Elle hésitait, n'osait pas. On se connaissait peu, nous étions des étrangers. Finalement, notre premier lien de connaissance est passé par Émilia, notre petite chihuahua, qui attirait, en dépit de son mauvais caractère, ton grand frère. Et un jour, nous avons dû venir dans notre petit appartement en ville avec notre chien fou, Charlie, qui s'est révélé le grand copain de ton grand frère. Et toi, mon ange, tu souriais toujours. Je me souviens de la petite robe que je t'ai offerte un jour. Tu n'as, je crois, pas eu le temps de la porter.

Et vous êtes venus, ta maman, ton grand frère et toi, passer quelques jours à la maison. Notre maison avait jusque là peu résonné de cris d'enfant, car nos enfants sont de jeunes adultes qui n'ont pas d'enfants. Je ne dis pas de pleurs car je ne t'ai jamais entendu pleurer. Il ne me reste que ton sourire, rayonnant, qui me poursuit. Durant ces jours heureux, tu as connu la plage, tu es allé au concert de Noël dans une église, au restaurant, te promener dans le campo, toujours avec ce magnifique sourire ! Pas de pleurs, ni à la maison, ni en voiture, ni dans ta poussette.

Qui donc a été jaloux de ton aptitude au bonheur ? Pourquoi toi et pas un autre ? Sans réponse.

On prévoyait d'autres balades, d'autres séjours, je disais que tu étais ma petite-fille par adoption puisque je n'en ai pas.

Noël et la nouvelle année se passent. Je choisis vos cadeaux avant de retourner dans notre petit appartement de la ville. Pour toi, un nounours tout doux en peluche.

Juste avant notre arrivée, ta maman m'envoie un message comme quoi tu sembles avoir la dengue et que, par précaution, pour faire quelques analyses, tu viens d'être hospitalisée, dans l'hôpital le plus connu de l'île. La dengue, je connais. J'ai souffert d'une dengue grave, il y deux ans. J'ai été longuement hospitalisée, ici, puis en France. J'ai mis plus d'un an à récupérer.
Cela m'inquiète, mais tes parents sont confiants. On va te voir, au service de soins intensifs pédiatriques, enfin, on voit ta maman, qui va rester là, sur une chaise, dans le couloir de l'hôpital pendant une semaine. On passe la voir, juste pour lui dire qu'on est là. Elle me demande de prier et moi qui ne suis pas croyante, me voilà dans la cathédrale à chercher une bougie que je n'ai pas trouvée pour l'allumer pour toi.

Ton papa qui passe tous les jours nous donne des nouvelles, on attend le jour suivant qui doit être décisif, puis le suivant, et encore le troisième jour...
Je finis par comprendre, lors de ma dernière visite à l'hôpital, en parlant avec ta maman qui continue à vouloir croire et espérer, c'est normal, c'est tout son amour qu'elle exprime, je comprends au bout de cinq jours que tu es déjà loin de nous, encore reliée à la vie par de nombreux tuyaux mais....

Je suis obligée de repartir chez moi, dans ce campo où tu es venue il y a quelques semaines et que tu regardais avec ton sourire rayonnant comme tu regardais tout dans la vie.

Je me lève ce vendredi de bonne heure et trouve un message oral envoyé la nuit par ta maman qui m'explique que tu vas aller mieux, qu'elle a parlé avec un médecin qui, comme moi, ne croyait pas et qui l'avait assuré que je deviendrais croyante grâce à toi, Emma. Je venais d'écouter ce message quand une petite sonnerie m'avertit d'un nouveau message :

“Emma esta con Dios”

Ma première réaction est de dire “Non”, un non inutile, suivi d'un “Pourquoi ?”
Il n'y a pas de réponse, il n'y a que l'injustice.

J'admire ta maman qui, avec sa foi, m'explique que Dieu l'a voulu ainsi, qu'il t'a donnée à elle et t'a reprise. J'admire son courage qui lui permet de continuer à vivre. Elle veut que ton si rapide passage parmi nous serve à d'autres enfants, en particulier à ceux qui n'ont pas accès aux soins. Elle se démène pour monter son association :

“No mas Emma”

Elle me dit :”Tu seras la marraine de mon prochain bébé”.

Et moi, je vois toujours ton sourire lumineux, Emma. Tu resteras mon angelita !

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